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Réflexions Juridiques

12 juillet 2005

Concours réel d'infraction et concours de qualification

Il est à distinguer, le concours réel d’infractions du concours de qualification. En effet, il suffit pour cela d’envisager les faits :

-         Lorsque plusieurs infractions distinctes ne sont pas séparées les unes des autre par une condamnation définitive, il y a concours ou cumul, réel ou matériel d’infractions.

-         En revanche, lorsqu’un seul et même fait ou une seule et même unité de faits tombe sous le coup de diverses qualifications, il y a concours de qualification.

1)      Le concours réel d’infraction qui suppose qu’une pluralité de textes soit violée par une pluralité de fait sans que soit intervenue une condamnation définitive (article 132-2 CP) :

Il y a alors application d’un principe de non-cumul. Cependant celui-ci est appliqué différemment aux articles 132-3 et 132-4 CP suivant qu’il y ait unité de procédure ou non :

-         Il y a alors en principe, une seule poursuite si les différentes infractions ont été découvertes en même temps et qu’il n’y a pas d’obstacle juridique à organiser une poursuite unique. « La juridiction peut alors prononcer toutes les peines » pourvu qu’elles ne soient pas de même nature, car dans ce cas elle n’en prononce qu’une seule « de cette nature dans la limite du maximum légal le plus élevé. » (article 132-2 alinéa 1 CP) Chaque peine étant d’ailleurs « réputée commune aux infractions en concours dans la limite du maximum légal applicable à chacune d’entre elles. » (article 132-3 alinéa 2 CP)

-         En cas de pluralité de poursuites, il y a alors cumul plafonné car « les peines prononcées s’exécutent cumulativement dans les limites du maximum légal le plus élevé », et une éventuelle confusion des peines de même nature est appliquée, si la dernière juridiction appelée à statuer l’ordonne ou bien dans les conditions de l’article 710 CPP. Dans ce cas, il y a alors fusion des peines au profit de la plus forte d’entre elles. (article 132-4 CP)

Quoi qu’il en soit l’article 132-7 CP exclue expressément les contraventions de ce régime.

Ainsi le concours entre plusieurs contraventions oblige le juge à additionner les peines afférentes à chacune d’elles, même s’il s’agit contravention de 5ème classe.

D’autre part, le concours entre une contravention et un délit ou un crime contraint le juge à prononcer une peine pour le délit et une autre pour la contravention.

Dans ce cas, il faut bien prendre garde à ce qu’il y ait un véritable cumul d’infraction. Et non que ces différentes infractions procèdent d’un fait unique ou d’une unité de comportement. (Cf. Cass. Crim., 11 mai 2004, AJDP 2004, p. 285, obs. LEBLOIS HAPPE, infra)

2)      Le concours de qualification qui suppose une unité de comportement est quant à lui :

a)      soit apparent car il peut y avoir :

-         Qualifications incompatibles ou inconciliables : C’est le cas par exemple lorsqu’une des infractions n’est que la suite naturelle de l’autre et que les deux sont commises par la même personne. Ainsi celui qui a frauduleusement soustrait un objet ne peut pas être convaincu de le receler. La jurisprudence admet alors que les qualifications sont exclusives l’une de l’autre. (Cass. Crim., 22 janvier 1948, Bull n° 26) Idem pour l’abus de confiance et le recel par exemple (Cass. Crim., 2 décembre 1971, Bull n° 337)

-         Qualifications redondantes (générales et spéciales, larges et partielles)

-         Ou qualifications alternatives : Ainsi l’individu ayant causé la mort d’autrui ne peut être réprimé que du chef d’homicide volontaire ou que du chef d’homicide involontaire.

b)      soit véritable, c'est-à-dire un concours idéal :

Dans ce cas, soit le fait matériel est unique mais contrevient à plusieurs textes, c’est l’exemple classique du viol commis en public, soit il provoque des préjudices chez plusieurs personnes, exemple de l’accident qui blesse un individu et en tue un autre ;

Soit l’agent accompli plusieurs faits matériels qui se fondent par une unité réciproque, ainsi l’acte constituant une infraction d’une part et la circonstance aggravante d’autre part, comme par exemple une violation de domicile aggrave un vol mais le permet, ou encore l’acte constitue une infraction d’une part et un élément constitutif d’une seconde, comme par exemple l’usage de faux est un élément de l’escroquerie, ou enfin lorsqu’un acte est commis afin de permettre la réalisation d’un autre.

La jurisprudence en l’absence de textes règle la difficulté, en distinguant suivant l’état d’esprit de l’agent, c'est-à-dire selon qu’il a entendu, commettre une seule infraction ou plusieurs dans l’hypothèse d’une infraction intentionnelle, ou selon qu’il a porté atteinte à une seule valeur sociale ou à plusieurs dans le cas d’une infraction non intentionnelle. C’est l’application des arrêts fondamentaux ( GADPG, 4ème éd. n° 19, p. 239) Ben haddadi (Cass. Crim., 3 mars 1960, RSC 1961, p. 105, obs. LEGAL) et Desbiolles (Cass. Crim., 16 juin 1965, RSC 1965, p. 871, obs. LEGAL)

« Lorsque plusieurs qualifications pénales sont applicables à une activité matérielle unique, la solution de ce conflit dépend de la pluralité ou de l’unité des valeurs sociales protégées. Dans le premier cas, qui peut être révélé par une pluralité d’éléments moraux, on retiendra toutes les qualifications. Dans le second cas, un choix devra être fait parmi les qualifications en concours. »

Lors du choix parmi les infractions en concours, on retient la plus haute expression pénale (CA Bordeaux, 5 mars 1992, D. 1994, Jur. p. 305) ou la qualification spéciale par rapport à la générale (CA Paris, 18 février 1960, D. 1960, Jur. p. 285)

La décision de retenir deux qualifications doit être confirmée avec plus de poids puisque la CEDH (CEDH 30 juillet 1998, JCP 1999 I n° 105) et le Conseil Constitutionnel (DC 12 janvier 2001, RSC 2002, p. 366) se sont prononcés sans la remettre en cause dés lors que la peine prononcée n’excède pas le maximum le plus élevé.

Jurisprudence :

Cass. Crim., 11 mai 2004, AJDP 2004, p. 285, obs. LEBLOIS HAPPE

« Une faute pénale unique ne peut être sanctionnée que par une seule peine. En prononçant une peine pour chaque catégorie de contraventions de blessures involontaires, alors que celles-ci résultaient du même fait générateur constituant une faute pénale unique, la Cour d’appel a méconnu les articles 132-2 et 132-7 CP »

La Cour d’appel avait ici prononcée deux amendes, or même si l’article 132-7 CP permet le cumul des peines contraventionnelles, encore faut-il qu’il y ait atteinte à des valeurs sociales distinctes. Dans l’hypothèse d’une unité de comportement, ici atteintes involontaires à l’intégrité physique de plusieurs victimes, la pluralité des qualifications permettant à chaque victime de se porter partie civile ne doit pas masquer l’unité d’action coupable. « Une faute pénale unique ne peut être sanctionnée que par une seule peine. »

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11 juillet 2005

La personne à naître : Sujet du droit pénal ?

La Jurisprudence pénale est nette: Elle refuse d’appliquer l’article 221-6 du Code pénal à l'enfant à naître

CA Lyon, 13 mars 1997, D. 1997, Jur. p. 557

CA Reims, 3 février 2000, D. 2000, Jur. p. 873

Cass. Crim., 30 juin 1999, D. 1999, Jur. p. 710

Cass. Ass. Plén., 29 juin 2001, D. 2001, Jur. p. 2917 :

« Attendu que le principe de la légalité des délits et des peines qui impose une interprétation stricte de la loi pénale, s’oppose à ce que l’incrimination prévue par l’article 221-6 CP réprimant l’homicide involontaire d’autrui, soit étendue au cas de l’enfant à naître dont le régime juridique relève de textes particuliers sur l’embryon ou le fœtus, (l’arrêt attaqué a fait une exacte application des textes visés en relaxant du chef d’HI celui qui a heurté une femme enceinte de 6 mois qui a perdu le fœtus qu’elle portait.) »

Cass. Crim., 25 juin 2002, D. 2002, Jur. p. 3099

Cass. Crim., 2 décembre 2003, JCP 2004, II n° 10054, D. 2004, Jur. p. 449, AJDP 2004, p. 118 obs. PITOUN, RSC 2004, p. 348

« Une femme enceinte de huit mois a été grièvement blessée dans un accident de la circulation. Après une césarienne le jour même, elle a mis au monde un enfant décédé une heure plus tard. C’est à bon droit que la Cour d’appel a déclaré l’auteur de l’accident coupable d’homicide involontaire sur la personne de cet enfant retenant qu’il a par un défaut de maîtrise de son véhicule, causé la mort de l’enfant qui a vécu une heure après sa naissance et qui est décédé des suites des lésions vitales irréversibles subies au moment du choc. »

CEDH, 8 juillet 2004, Vo c/ France, D. 2004, Act. p. 1979, D. 2004, Jur. p. 2456

La CEDH

refuse de condamner

la France

sur le fondement de l’article 2 CESDH, pour l’absence de répression pénale de l’auteur ayant causé la perte d’un enfant à naître.

La CEDH

relève ici l’absence de consensus européen concernant la nature et le statut de l’embryon-fœtus, (tout au plus peut on trouver un dénominateur commun quant à l’appartenance à l’espèce humaine), et l’existence de positions extrêmement variées au sein de la société française.

Le point de départ du droit à la vie relève de l’appréciation des Etats.

La CEDH

constate que

la France

ne prive pas l’enfant à naître de toute protection, et que son obligation positive de mettre en place des mesures propres à assurer la protection de la vie des malades et à mener une enquête sur les circonstances d’un décès est remplie. D’ailleurs en l’espèce en plus des poursuites pénales contre le médecin pour blessures involontaires sur sa personne, la requérante pouvait engager un recours administratif en indemnisation. En aucune circonstance, l’obligation positive des états n’impose le recours à la voie pénale.

Enfin,

la CEDH

considère que même si l’article 2 CESDH trouvait à s’appliquer en l’espèce, il n’y a pas eu violation de cette disposition.

Note :

1)      La mort involontairement donné à un enfant à naître peut elle fonder la condamnation de l’auteur des faits pour homicide involontaire

Contexte de fracture sociale particulièrement net

-         Position de

la Cour

de cassation, et notamment de son assemblée plénière.

-         Position de la doctrine dans sa très grande majorité

2)      Questions posées par les juges de

la CEDH

: Détermination de la personne et du commencement de la vie

-         Personne ?

Les juges de le CEDH ne se sont pas prononcés, malaise perceptible.

S’il n’est pas une personne stricto sensu, il est une personne en devenir

-         Commencement du droit à la vie ?

Marge d’appréciation des Etats sur ce point, zone d’autonomie, sinon de souveraineté. Celle-ci se conçoit dans le domaine du relatif

10 juillet 2005

Actualité récente en droit des contrats spéciaux

Le contrat de consommation

Loi n° 2005-67 du 28 janvier 2005 tendant à conforter la confiance et la protection du consommateur, JCP 2005, III n° 20008, JCP 2005, Act. n° 92

Insertion d’un nouvel article L. 136-1 dans le code de la consommation :

« Le professionnel prestataire de services informe le consommateur par écrit, au plus tôt trois mois et au plus tard un mois avant le terme de la période autorisant le rejet de la reconduction, de la possibilité de ne pas reconduire le contrat qu’il a conclu avec une clause de reconduction tacite.

Lorsque cette information ne lui a pas été adressée conformément aux dispositions du premier alinéa, le consommateur peut mettre gratuitement un terme au contrat, à tout moment à compter de la date de reconduction. Les avances effectuées après la dernière date de reconduction, ou s’agissant des contrats à durée indéterminée, après la date de transformation du contrat initial à durée déterminée, sont dans ce cas remboursées dans un délai de trente jours à compter de la date de résiliation, déduction faite des sommes correspondant, jusqu’à celle-ci, à l’exécution du contrat. A défaut du remboursement dans les conditions prévues ci-dessus, les sommes dues sont productives d’intérêts au taux légal.

Les dispositions du présent article s’appliquent sans préjudice de celles qui soumettent légalement certains contrats à des règles particulières en ce qui concerne l’information du consommateur. »

Cf. aussi le nouvel article L.113-15-1 du Code des assurances et L.221-10-1 du Code de la mutualité

La vente

a) Articulation des actions possibles en présence d’une vente :

(Cf. D. VEAUX, « Sélection des actions de l’acheteur », CCC 1993, Chr. n° 9)

1° Distinction stricte entre action en garantie des vices cachés (articles 1641 et s. du Code civil) et action pour défaut de conformité du produit (article 1604 du Code civil) :

-         La non-conformité de la chose aux spécifications convenues par les parties est une inexécution de l’obligation de délivrance. Un arrêt du 20 janvier 2004 (Cass. Civ. 1ère, 20 janvier 2004, RDC 2004, p. 691) est illustratif sur ce point : « Constitue un manquement à l’obligation de délivrance, la livraison d’un véhicule ne présentant pas sur la facture et la carte grise les mêmes caractéristiques que celles mentionnées sur la plaque constructeur. Cassation de l’arrêt qui avait statué sur le fondement de la garantie des vices cachés alors qu’il aurait dû requalifier la demande. » Le véhicule ne présente pas sur la facture et la carte grise les caractéristiques du constructeur ; Il y a donc non-conformité aux spécifications convenues entre les parties. L’action est donc fermée sur le fondement de la garantie des vices cachés, et les juges du fond doivent au regard de l’article 12 NCPC requalifier la demande sur le bon fondement et inviter les parties à conclure sur le nouveau fondement de l’obligation de délivrance, tout en faisant respecter le principe du contradictoire.

-         La non-conformité de la chose à sa destination normale ressortit à la garantie des vices cachés. L’action de l’article 1641 du Code civil ne peut donc être engagée en présence d’un défaut de délivrance. Par exemple, l’action formée contre le fabricant d’un chauffe-eau qui a présenté à l’intérieur une fuite provenant du défaut de montage, ne peut l’être que sur le fondement des vices cachés car c’est ici la destination normale qui est en cause. (Cass. Civ. 1ère, 27 octobre 1993, D. 1994, Jur. p. 212)

2° Distinction importante aussi entre action en nullité pour erreur et la garantie des vices cachés :

Initialement la jurisprudence reconnaissait

-         que « l’existence d’un vice caché n’excluait pas par elle-même la possibilité d’invoquer l’erreur sur les qualités essentielles de la chose vendue » (Cass. Civ. 3ème, 18 mai 1988, D. 1989, Jur. p. 450)

-         et que « l’action en nullité pour erreur sur les qualités substantielles n’est pas soumise aux dispositions spéciales de l’article 1648 du Code civil, peu important que l’erreur invoquée fût la conséquence d’un vice caché rendant la chose impropre à l’usage auquel elle était destinée. » (Cass. Civ. 1ère, 28 juin 1988, D. 1989, Jur. p. 450, GAJC n° 253-254)

Cependant, elle est revenue sur ces décisions et désormais :

« La garantie des vices cachés constituant l’unique fondement de l’action exercée pour défaut de la chose vendue la rendant impropre à sa destination normale, la responsabilité du vendeur ne pouvait être recherchée sur le fondement de l’erreur. » (Cass. Civ. 1ère, 14 mai 1996, D. 1998, Jur. p. 305 ; Cass. Civ. 3ème, 7 juin 2000, GAJC n° 253-254)

Mais malgré tout, la Chambre commerciale résiste et continue à tolérer un cumul :

Cass. Com., 18 juin 1996, D. 1998, Jur. p. 305

3° Cumul possible concernant l’action en garantie des vices cachés et l’action en nullité pour dol (article 1116 du Code civil) :

Cass. Civ. 1ère, 6 novembre 2002, D. 2002, IR p. 3190 : « L’action en garantie des vices cachés n’est pas exclusive de l’action en nullité pour dol. »

4° Cumul possible aussi concernant l’action en non-conformité et l’action en nullité pour erreur sur les qualités substantielles :

Cass. Civ. 3ème, 25 mars 2003, JCP 2003, I n° 170, n° 6

Cass. Com., 3 décembre 2003, JCP 2004, II n° 10181 : Refus d’honorer une commande

« A la suite d’une publicité d’une société du secteur de la grande distribution annonçant une vente promotionnelle, une société de distribution lui a passé commande et s’est vu opposer un refus. Pour condamner la société de grande distribution au paiement de dommages et intérêts, la Cour d’appel retient qu’elle a publié une offre de vente dénuée de toutes réserves et que le contrat s’est formé valablement par l’acceptation de la société de distribution. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de l’auteur de l’offre qui soutenait être en droit de refuser une commande provenant d’un professionnel, la Cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences de l’article 455 NCPC. »

Le sollicitant en l’espèce ne s’est pas placé sur le terrain du refus de vente, car il n’y a pas de répression pénale, ni de cas de légal de responsabilité civile entre professionnels.

Les baux d’habitation

Cass. Civ. 3ème, 18 décembre 2002, RTD Civ. 2003, p. 290, RDC 2003, p. 220, RDC 2004, p. 231 : Shabbat et contrat de bail

« Les pratiques dictées par les convictions religieuses des preneurs n’entrent pas, sauf convention expresse, dans le champ contractuel du bail et ne font naître à la charge du bailleur aucune obligation spécifique. » Les requérants se fondaient sur les articles, 6 a) et c) de la loi de 1989, 9§1 et 2 CESDH et 1134 du Code civil, pour refuser l’installation de digicode qui les empêchaient de pratiquer correctement le shabbat.

Ecartées du contrat au stade de la formation, les pratiques religieuses ne peuvent pas réapparaître lors de son exécution.

Cass. Civ. 3ème, 25 février 2004, RDC 2004, p. 988 : Vie privée et contrat de bail

« Vu l’article 9 du Code civil, l’atteinte au respect de la vie privée ouvrant droit à réparation, la Cour d’appel, qui a constaté que le propriétaire avait pénétré dans le domicile du locataire sans autorisation, a violé le texte susvisé. »

Cass. Civ. 3ème, 16 juin 2004, JCP 2004, II n° 10196 : Définition élargie de la notion de « gens de la maison du preneur » au sens de l’article 1735 du Code civil

« Des dégradations ont été commises aux parties communes d’un immeuble par un invité sortant d’un appartement loué dans lequel il avait passé la soirée. Le propriétaire de l’immeuble a assigné ses locataires en paiement d’une somme au titre des frais de remise en état des lieux. Il ne peut être fait grief au jugement attaqué de l’avoir débouté de sa demande. En effet, ayant relevé que l’invité ne résidait pas, fût-ce temporairement, dans les lieux loués et qu’il n’y était pas intervenu à la demande des locataires à titre professionnel, le tribunal, abstraction faite d’un motif erroné mais surabondant tiré de l’article 7c) de la loi du 6 juillet 1989, en a exactement déduit que le visiteur ne pouvait être considéré « de la maison » des locataires au sens de l’article 1735 du Code civil. »

Traditionnellement la jurisprudence entendait largement l’expression « gens de la maison du preneur ». Ainsi, elle visait toute personne abritée ou entrée temporairement chez le preneur sur son invitation. Cette notion englobait les serviteurs, les domestiques, les préposés, les individus qu’il avait volontairement introduit dans les lieux loués.

Cependant, désormais, la Cour de cassation fait une lecture plus stricte. « Les gens de la maison » sont celles qui avec son autorisation y résident ou au moins y travaillent à titre professionnel, à sa demande. Sont exclues toutes les personnes qui n’ont ni lien d’attache ou de résidence avec le logement, ni lien contractuel avec le preneur.

Le prêt

Cass. Com., 21 janvier 2004, RDC, p.743, D. 2004, Jur. p. 1149

Cass. Civ. 1ère, 3 février 2004, RDC 2004, p. 647, D. 2004, Jur p. 903

« Lorsqu’aucun terme n’a été convenu pour le prêt d’une chose d’un usage permanent, sans qu’aucun terme naturel soit prévisible, le prêteur est en droit d’y mettre fin à tout moment, en respectant un délai de préavis raisonnable. »

Antérieurement : Cass. Civ. 1ère, 12 novembre 1998, D. 1999, Jur. p. 414, JCP 1999, II n° 10157 qui donnait au juge le devoir de déterminer la durée du prêt. (« Lorsque aucun terme n’a été convenu pour le prêt d’une chose d’un usage permanent, sans qu’aucun terme naturel soit prévisible, il appartient au juge de déterminer la durée du prêt. »)

Cette jurisprudence est conforme :

1° à l’unilatéralisme ambiant (Cf. sur la résolution unilatérale)

2° à la jurisprudence constitutionnelle sur la liberté individuelle (Cf. Cons. Constit., 9 novembre 1999, RTD Civ. 2000, p. 109 : « La liberté qui découle de l’article 4 de la DDHC de 1789 justifie qu’un contrat de droit privé à durée indéterminée puisse être rompu unilatéralement par l’un ou l’autre des contractants. »)

3° à l’équité puisque le prêteur rend service dans ce cas précis, il n’est donc pas choquant de le retenir pour maître du délai de son dépouillement.

Modalités d’application :

Le délai du préavis : dans le silence de la loi, c’est le délai raisonnable qui semble devoir être imposé.

Sanction en cas de non respect : responsabilité pécuniaire ou continuation forcée du contrat ?

Terme : Notion de terme implicite qui est donc apprécié selon le contexte.

9 juillet 2005

Responsabilité professionnelle de l'entrepreneur - Le Contrat d'entreprise

Cass. civ. 3e, 27 juin 2001 (cassation), Bull. civ. III, n° 83, p. 63, Defrénois 2002 n° 37459-10, D. 2001, Jur. p. 2995 : Faute dolosive et responsabilité contractuelle du constructeur

« Le constructeur est, sauf faute extérieure au contrat, contractuellement tenu à l'égard du maître de l'ouvrage de sa faute dolosive lorsque, de propos délibéré, même sans intention de nuire, il viole par dissimulation ou par fraude ses obligations contractuelles. »

Par cette décision de principe, la 3ème chambre civile met un terme à une longue hésitation sur 2 points :

1) Concernant la nature de la responsabilité engagée en cas de dol, elle doit désormais être nécessairement contractuelle. La Cour de cassation revient sur un infléchissement délictuel marqué par l’arrêt du Cass. civ. 3e, 21 novembre 1990, RGAT 1991, 125, obs. J. Bigot.

Désormais, distinguons grâce à cet arrêt 3 hypothèses :

- Soit la responsabilité du constructeur est engagée dans le délai de 10 ans, pour incurie, malchance et incompétence, sur le fondement de la responsabilité légale de l’article 1792. Pour cette hypothèse, la prescription décennale interdit toute action postérieurement.

- Soit elle est engagée sur un fondement délictuel dans le délai des 10 ans pour et seulement pour faute extérieure au contrat. (Cass. civ. 3e, 9 mai 1979, D. 1980, Jur. p. 414 : « Si lourdes que soit les fautes reprochées, l’action en garantie est éteinte après l’expiration du délai de 10 ans, celle qui est intentée en application des règles de la responsabilité quasi délictuelle ne pouvant être fondée que sur un faute extérieure au contrat. »)

- Soit elle est engagée sur un fondement contractuel, pendant le délai de 10 ans pour des dommages mineurs ou intermédiaires (c'est-à-dire en cas de non application de la garantie légale par défaut de condition) en cas de faute prouvée mais aussi à l’issue du délai décennal en cas de faute dolosive contractuelle. (Apport de cet arrêt) Désormais, le délai de prescription décennal ne peut bénéficier qu'aux constructeurs qui ont essayé de remplir correctement et honnêtement leurs obligations contractuelles sans y arriver. L'incurie, l'incompétence, la malchance sont toujours enfermés dans le délai de dix ans. En revanche, le choix délibéré de ne pas exécuter correctement ses obligations contractuelles (fraude) ou le fait de masquer ce qui n'a pu être au départ qu'une incompétence (dissimulation), constituent désormais un dol réparable au-delà du délai de dix ans. S'applique alors, faute d'autres précisions, et compte tenu du caractère contractuel de la responsabilité, le délai de trente ans.

2) Concernant la définition de la faute dolosive contractuelle qui n’exige plus la démonstration d’une intention de nuire, mais seulement la violation consciente / volontaire des obligations contractuelles par dissimulation ou par fraude.

Par delà les problèmes d'interprétation que susciteront chacun de ses termes - et notamment la notion de fraude -, elle paraît cependant parfaitement caractériser une situation et un état d'esprit. Semble être clairement condamnée toute mauvaise exécution volontaire du contrat par le constructeur, même si ce constructeur n'a pas voulu le dommage qui en résulte. La Cour de cassation conserve la dimension essentiellement psychologique du dol, mais lui donne une portée bien supérieure à celle qu'elle avait par le passé.

8 juillet 2005

Responsabilité Professionnelle du médecin - Le Contrat médical

A. La nature de la responsabilité médicale :

1) Une responsabilité médicale contractuelle et pour faute :

Initialement de nature délictuelle (Cass. Req. 18 juin 1835), la responsabilité du médecin est désormais issu du contrat médical :

Cass. Civ. 20 mai 1936, Arrêt Mercier, GAJC, 11ème éd. n° 161-162 ; DP 1936, I p. 88 : « Il se forme entre le médecin et son patient un véritable contrat comportant pour le praticien l’engagement de donner des soins attentifs, consciencieux et, sous réserve faite de circonstances exceptionnelles, conformes aux données acquises de la science ; la violation même involontaire de cette obligation contractuelle est sanctionnée par une responsabilité de même nature, également contractuelle. »

La loi du 4 mars 2002 a quant a-elle inséré un article L. 1142-1 CSP :

I) Sauf utilisation d’un produit, les professionnels ne sont responsables que pour faute des conséquences dommageables des actes de prévention, de diagnostic ou de soins. (al. 1) Les établissements de santé sont responsables quant à eux en cas d’infection nosocomiale sauf preuve d’une cause étrangère. (al. 2)

II) En cas d’aléa thérapeutique (accident médical, affection iatrogène) ou infection nosocomiale et en l’absence d’une responsabilité engagée, un droit à réparation existe au titre de la solidarité nationale, si :

-         Les dommages sont imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins

-         S’ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé et de son évolution prévisible

-         S’ils présentent un caractère de gravité fixé par décret.

L’exigence d’une faute a encore été rappelée récemment par Cass. Civ. 1ère, 4 janvier 2005, D. 2005, IR, p. 170, JCP 2005, II n° 10061 : « La responsabilité du médecin est subordonnée à la preuve d’une faute commise dans l’accomplissement de l’acte médical. » En l’espèce par exemple, la faute existait (en effet, l’intubation du patient ne peut conduire à lui occasionner un bris de dents : la maladresse est donc patente) mais elle était en réalité justifiée par des considérations de fait (l’urgence et le contexte vital dans lesquels le médecin a du pratiquer cet acte) (Cf. JCP 2005)

Il y a donc exigence d’un échange de volontés. Ainsi en l’absence de consentement exigé par les articles 1111-4 CSP et 16-3 du Code civil, la nature de la relation entre le patient et son médecin perd son caractère contractuel.

Autres exemples de changement de nature de la responsabilité médicale :

-         Les hypothèses d’hospitalisation dans le service public hospitalier : Puisqu’en l’absence de faute détachable des fonctions, le médecin n’est pas responsable alors que l’état assure l’indemnisation.

-         Les hypothèses d’action en responsabilité à l’encontre du médecin salarié d’un établissement privé qui est seul tenu au contrat d’hospitalisation : Cf. infra sur l’indépendance professionnelle du médecin et l’action en responsabilité délictuelle à laquelle il est exposée.

-         La médecine du travail ou de la sécurité sociale, qui exercée dans un cadre réglementaire évince la responsabilité contractuelle.

-         La stipulation pour autrui qui fut avancée et reconnue en matière de transfusion sanguine

-         La gestion d’affaire qui ne permet au praticien que le recouvrement de ses honoraires.

-         La faute déontologique qui engage sa responsabilité disciplinaire devant les instances ordinales et cela même après le décès du patient CE, 2 juillet 1993, D. 1994, jur. p. 74, JCP 1993, II n°22133 : « Les principes déontologiques fondamentaux relatifs au respect de la personne humaine, qui s’imposent au médecin dans ses rapports avec son patient ne cessent pas de s’appliquer avec la mort de celui-ci. »

-         La faute pénale qui peut engager sa responsabilité pénale dans le cadre des dispositions de la loi du 10 juillet 2000 en ce qui concerne les infractions non intentionnelles.

2) L’arrêt Mercier pose le principe général d’une responsabilité pour faute, c’est ainsi à une obligation générale de moyens que le praticien est tenu, cependant dans certains domaines, la jurisprudence a reconnu un renforcement de l’obligation.

a)      Tout d’abord, Il est possible de distinguer les fautes contre la science, et les fautes contre la conscience :

Cependant la jurisprudence reconnaît aussi que la maladresse, l’imprudence engagent la responsabilité du praticien (Cass. Civ. 1ère, 7 janvier 1997, D. 1997, Jur. p. 189 ; Cass. Civ. 1ère, 13 octobre 1999, JCP 2000, II n° 10270 ; Cass. Civ. 1ère, 9 avril 2002, RTD Civ. 2002, p. 516) puisqu’elles sont exclusives de la notion de risque médical. (Cass. Civ. 1ère, 30 septembre 1997, JCP 1998, I n° 144, esp. n° 21).

La faute contre la science la plus évidente est l’erreur de diagnostic :

Il faut distinguer aussi entre le diagnostic évident qui engage toute erreur médicale et le diagnostic délicat pour lequel une simple erreur médicale n’est pas constitutive d’une faute. (Cf. CA Lyon, 11 mars 1999, et 13 juin 2002, Juris-data n° 040165 et 184826)

De plus, la persistance dans un diagnostic erroné malgré l’avis d’autres praticiens est lui aussi constitutif d’une faute.

Il faut d’autre part prouver un lien de causalité : Cass. Civ., 4 novembre 2003, Bull. n° 224 : « S’il n’est pas établi que des soins administrés à temps eussent guéri le patient, l’absence ou le retard fautifs de diagnostic ou de traitement d’une affection ne peuvent être indemnisés qu’au titre de la perte de chance » C’est la perte de chance, seule qui constituait le dommage, et elle seule devait être indemnisée.

Cependant cette preuve est facilitée pour la victime : La faute pourra être exclue s’il est démontré par le praticien que la partie atteinte présentait une anomalie rendant cette atteinte inévitable. (Cass. Civ. 1ère, 23 mai 2000, D. 2000, IR p.183 et 192, JCP 2000, I n° 280 esp. n° 12 : puisque « sa faute ne peut être écartée sans la constatation d’une anomalie chez le patient rendant l’atteinte au corps inévitable. »)

b)      Concernant d’autre part l’utilisation de certains matériels ou produits :

-         Pour ce qui est des prothèses, des tables d’examen, de radiologie aux fins d’exécution d’un acte de médical d’investigation ou de soins :

La jurisprudence considère que l’obligation qui est mise à la charge du médecin en vertu du contrat de soin et sans préjudice de son recours en garantie, est une obligation de sécurité de résultat. « Le contrat formé entre le patient et son médecin met à la charge de ce dernier, sans préjudice de son recours en garantie, une obligation de sécurité de résultat en ce qui concerne les matériels qu’il utilise pour l’exécution d’un acte médical » (Cass. Civ. 1ère, 9 novembre 1999, D. 2000, Jur. p. 117, JCP 2000, II n° 10251, Defrénois 2000, p. 251 par Mazeaud) Conformité de cette jurisprudence avec l’article 221-1 du Code de la consommation

Par cette jurisprudence, on doit donc distinguer, le matériel utilisé et l’exécution de l’acte médical. Les termes de l’arrêt de 1999 semblent assez clairs : « en ce qui concerne les matériels », « qu’il utilise pour l’exécution d’un acte médical ». Dans une décision récente, (Cass. Civ. 1ère, 4 janvier 2005, D. 2005, IR, p. 170, JCP 2005, II n° 10061) la Cour de cassation semble avoir posé de nouveau cette exigence de principe. Concernant une intubation par exemple, la manœuvre est soumise à une obligation de moyens : « à défaut de retenir la mauvaise exécution de l’intubation », cassation de l’arrêt qui retient que « le médecin anesthésiste a failli à l’obligation de sécurité à laquelle il est tenu envers le patient accessoirement à son obligation de moyens. »

Sur la jurisprudence des prothèses, une distinction doit être faite entre la pose de la prothèse qui reste soumise à une obligation de moyens (Cass. Civ. 1ère, 10 juillet 1997, D. 1997, Somm. p. 316) et la prothèse elle-même qui impose une obligation de sécurité résultat à la charge du praticien. (Cass. Civ. 1ère, 4 février 2003, Bull n° 40, D. 2004, Somm. p. 600)

D’autre part, l’obligation de sécurité (de livrer un produit exempt de tout vice), inclue la conception et la confection de la prothèse. (Cass. Civ. 1ère, 23 novembre 2004, D. 2005, IR p. 17 : « Le chirurgien dentiste est, en vertu du contrat le liant à son patient, tenu de lui fournir un appareillage apte à rendre le service qu’il peut légitimement en attendre, une telle obligation, incluant la conception et la confection de cet appareillage, étant de résultat »)

Le médecin doit répondre du fait du produit ou de l’instrument qu’il utilise, ou qu’il conçoit, alors même qu’il ignorait le défaut ou qu’il aurait procédé à des vérifications.

-         L’établissement de soins peut aussi être tenu comme responsable d’une obligation de sécurité résultat en ce qui concerne les produits tels les médicaments qu’il fournit. (Cass. Civ. 1ère, 7 novembre 2000, Defrénois 2001, p. 268 Savaux) :

L’article 1142-1 CSP prévoit une éviction du régime de responsabilité pour faute. Il faut s’interroger sur une articulation entre le droit commun de la responsabilité des produits (Responsabilité objective du fait des produits défectueux issue des articles 1386-1 et s. du Code civil) et la jurisprudence ayant découvert une obligation de sécurité de résultat (sur fondement des articles 1382 et 1147 du Code civil).

La question se pose concernant une éventuelle option entre le régime issu de la jurisprudence française et celui issu de la directive sur les produits défectueux. (Ex. TGI Nanterre, 17 décembre 2004) (Cf . infra Conclusion)

-         Sur le problème des vaccinations :

Cass. Civ.1ère, 23 septembre 2003, JCP 2003, II n° 10179, D. 2003, IR p. 2413, RTD Civ. 2003, p. 101 : « La responsabilité du producteur est soumise à la condition que le demandeur prouve, outre le dommage, le défaut du produit et le lien de causalité entre le défaut et le dommage ; Viole les articles 1147 et 1382 du Code civil interprétés à la lumière de la directive CE du 25 juillet 1985, la Cour d’appel qui pour retenir la responsabilité du fabricant d’un vaccin contre l’hépatite B, après avoir constaté que l’étiologie de la sclérose en plaques était inconnue et que ni les expertises ni les études scientifiques ne concluaient à l’existence d’une association entre la vaccination et la maladie, relève que la possibilité d’une telle association ne peut être exclue de façon certaine, qu’il n’y a aucune autre cause de déclenchement de la maladie, et que la maladie développée établit un absence de sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre et démontre la défectuosité du produit, sans tirer les conséquences légales de ses constatations desquelles il résultait que le défaut du vaccin comme lien de causalité entre la vaccination et la maladie ne pouvaient être établis. »

La Cour de cassation cassa l’arrêt de la Cour d’appel de Versailles qui avait constaté l’absence de preuve scientifique certaine de l’imputation de la maladie à la vaccination contre l’hépatite B, mais qui avait condamné le laboratoire sur le fondement du risque non exclu de développement de la maladie.

Selon la Cour de cassation, le lien de causalité entre la vaccination contre l’hépatite B et la sclérose en plaques ne pouvant être établis, la Cour d’appel n’a dés lors pas tiré les conséquences légales de ses constatations.

La situation des personnes vaccinées contre l’hépatite B est complètement différente de celle des transfusés malades du SIDA ou de l’hépatite C pour lesquels la Cour de cassation a fini par poser une présomption de droit dés lors que le vice est prouvé et qu’il est acquis que ce vice expose objectivement les receveurs.

Pour les vaccinés contre l’hépatite B, le risque demeure à l’heure actuelle trop hypothétique pour pouvoir présumer le dommage.

-         Concernant le problème du sang contaminé :

La jurisprudence (Cass. Civ. 1ère, 12 avril 1995, BICC 1er juillet 1995, JCP 1995, II n° 22467 ; Cass. Civ. 1ère 13 février 2001, JCP 2002, II n° 10099) considère que les CTS, centres de transfusions sanguines, sont tenus d’une responsabilité sans faute. (« Les CTS tenus de fournir aux receveurs des produits exempts de vices, ils ne peuvent s’exonérer de cette obligation que par la preuve d’une cause étrangère qui ne puisse leur être imputée. »)

Et que la transmission du VIH, vice indécelable à l’époque ne peut être caractérisé comme une cause étrangère (Sachant que « le vice interne du sang, même indécelable ne constitue pas pour l’organisme fournisseur une cause qui lui est étrangère, et les obligations des centres quant à la conservation du sang et à sa délivrance, dont ils ont le monopole ne les dispensent pas de réparer les conséquences dommageables dues à la fourniture de sang nocif. »)

Les cliniques ne sont donc tenues que d’une obligation de moyen quant au contrôle du sang car ce sont les CTS qui avaient une sorte de monopole réglementaire. (« Les juges ne peuvent retenir la responsabilité d’une clinique à raison de la fourniture de produits sanguins viciés sans rechercher si celle-ci tenue d’une simple obligation de prudence et de diligence dans la fourniture de produits sanguins livrés par un centre de transfusion avait la possibilité de contrôler la qualité du sang transfusé. »)

Conclusion sur l’utilisation de produits : Problème sur la complémentarité avec les dispositions de la loi du 19 mai 1998 intégrant la directive de 1985 sur les produits défectueux, puisque l’article 1386-2 du code civil affirme que le domaine d’application de cette loi concerne la réparation de tout dommage causé par un produit portant « atteinte à la personne ou à un bien autre que le produit. »

En premier lieu, ce régime semble plus difficile à mettre en œuvre que la responsabilité contractuelle du médecin grâce à l’obligation de sécurité résultat lors de l’utilisation d’un produit médical.

Tout d’abord il ne peut être appliqué qu’à l’encontre du producteur qui bien qu’entendu largement ne semble pas concerner le médecin libéral, puisque les articles 1386-6 et 7 du Code civil : Est producteur : le fabricant d’un produit fini, le producteur d’une matière première, le fabricant d’une partie composante ; Est assimilé la personne apposant son nom, sa marque ou un autre signe distinctif ; important le produit dans la CE. (Seul intérêt, l’action des établissements privés ou le médecin transplanteur.)

Ensuite, il est nécessaire de prouver « le dommage, le défaut, et le lien de causalité » (art. 1386-9) mais surtout le droit commun de la responsabilité contractuelle ne connaît aucune limitation sur le risque de développement qui est limité dans la responsabilité des produits défectueux. (art. 1386-11 4° : « Le producteur est responsable de plein droit à moins qu’il ne prouve : Que l’état des connaissances scientifiques et techniques, au moment où il a mis le produit en circulation n’a pas permis de déceler l’existence du défaut. »)

En second lieu, en cas d’option entre les deux régimes, il faudra prendre en considération le droit nouveau issu d’une interprétation de la CJCE du 25 avril 2002 (CJCE, 25 avril 2002, D. 2002, Jur. p. 2458 et 2462) : Le droit commun des états pouvait se trouver limité ou restreint par les dispositions de la directive du 25 juillet 1985 lorsqu’il repose sur le même fondement que celui-ci. (Tel est précisément le cas de l’obligation de sécurité résultat.)

Dés lors, si à l’avenir il y a application de cette décision : seule la responsabilité spéciale des articles 1386-1 et s. du Code civil serait applicable à un dommage causé par la défectuosité d’un produit de santé.

Une loi récente, (Loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004, Cf. RCA 2005, focus n° 3) est venue toiletter les articles du Code civil concernant la responsabilité issue de la directive, afin de prendre en considération les exigences de la CJCE (CJCE, 25 avril 2002, D. 2002, Jur. p. 2458 et 2462)

-         Article 1386-2 Code civil : Instauration d’une franchise en cas d’atteinte à un bien autre que le produit défectueux lui-même

-         Article 1386-7 Code civil : Affirmation du caractère subsidiaire de la responsabilité sans faute du distributeur, vendeur ou fournisseur professionnel, qui ne peut être recherchée qu’en l’absence d’identification du fabricant.

-         Article 1386-12 Code civil : Disparition de la référence au respect d’une obligation de suivi pour le professionnel qui veut se prévaloir du risque de développement ou du respect des normes impératives pour s’exonérer.

c)      Concernant les infections nosocomiales, la jurisprudence s’écartait là aussi de la responsabilité pour faute.

Antérieurement à la loi du 4 mars 2002 :

La jurisprudence administrative la première devait découvrir un système avantageux pour les victimes en cas d’infections nosocomiales dans le secteur public. (Cf. CE, 12 février 1954, Rec., p. 102 : Présomption de faute ; CE, 9 décembre 1998, Cohen, D. 1990, Jur. p. 487 : « Alors qu’il résulte des constatations des experts qu’aucune faute lourde médicale, notamment en matière d’asepsie, ne peut être reprochée aux praticiens qui ont exécuté cet examen et cette intervention, que le fait qu’une telle infection ait pu néanmoins se produire révèle une faute dans l’organisation ou le fonctionnement du service hospitalier à qui il incombe de fournir au personnel médical un matériel et des produits stériles. »)

La jurisprudence civile, sur l’infection nosocomiale dans les cliniques privées a adopté un régime de présomption de faute que bien plus tard. (Cf. Cass. Civ. 1ère, 21 mai 1996, JCP 1996, I n° 3986 preuve d’une absence de faute était cependant encore possible. Cependant Cass. Civ. 1ère, 29 juin 1999, GAJC 11ème, éd. n° 161-162, D. 1999, Jur. p. 559 : « Un médecin est tenu vis-à-vis de son patient en matière d’infection nosocomiale d’une obligation de sécurité de résultat dont il ne peut se libérer qu’en rapportant la preuve d’une cause étrangère. ») Confirmation de cette jurisprudence dans le cas d’une infection en cabinet privé (Cass. Civ. 1ère, 13 février 2001, D. 2001, Somm. p. 3083)

Seule exigence de la Cour de cassation, le patient devait apporter la preuve du caractère nosocomial de l’infection. (Cass. Civ. 1ère, 27 mars 2001, D. 2001, IR p. 1284)

Désormais avec la loi du 4 mars 2002 :

L. 1142-1 CSP consacre la jurisprudence antérieure concernant les établissements de santé puisqu’ils sont responsables sauf preuve d’une cause étrangère. (al. 2)

En revanche n’est pas reprise la solution concernant les praticiens exerçant à titre libéral puisque eux ne sont responsables que pour faute.

Cependant en l’absence d’une responsabilité engagée, un droit à réparation existe au titre de la solidarité nationale, si :

-         Les dommages sont imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins

-         S’ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé et de son évolution prévisible

-         S’ils présentent un caractère de gravité fixé par décret.

3) Sur la formation des praticiens :

Les articles 11 (« Tout médecin doit entretenir et perfectionner ses connaissances ; il doit prendre toutes dispositions nécessaires pour participer à des actions de formation continue. ») et 32 du Code de déontologie (« Le médecin s’engage à assurer personnellement des soins consciencieux, dévoués et fondés sur les données acquises de la science, en faisant appel s’il y a lieu à l’aide de tiers compétents »), L. 1110-5 CSP (Le patient a le droit de « recevoir les soins les plus appropriés et de bénéficier des thérapeutiques dont l’efficacité est reconnue et qui garantissent la meilleure sécurité sanitaire au regard des connaissances médicales avérée. ») et la jurisprudence (Cass. Civ. 1ère, 6 juin 2000, JCP 2001, II n° 10447 : Référence aux données acquises à la date des soins et opposition aux données actuelles) imposent au médecin de réinitialiser ses connaissances. Cette obligation est sanctionnée sur les plans civils et disciplinaires. L’appréciation des données acquises est établie à la date des soins. La connaissance de l’état des recherches influe sur l’information que doit fournir le praticien.

4) La relation entre patient et établissements privés :

C’est ici le contrat d’hospitalisation, qui définit la nature de la responsabilité comme étant contractuelle (Cass. Civ. 6 mars 1945, D. 1945, Jur. p.217.)

Ce contrat lie le patient et l’établissement, si le médecin est salarié de l’établissement ; ce n’est pas le cas si le médecin exerce à titre libéral dans l’établissement. (Cass. Civ. 1ère, 4 juin 1991, JCP 1991, II n° 21730)

Concernant les professions médicales salariées, la jurisprudence a évolué :

-         Première étape : le refus d’appliquer la jurisprudence Costedoat au médecin salarié :

Cass. Civ. 1ère, 9 avril 2002, RTD Civ. 2002, p. 516 ; Cass. Civ. 1ère, 13 novembre 2002, D. 2003, Jur. p. 580 :

« Si un établissement de santé peut être déclaré civilement responsable des fautes commises par un praticien salarié à l’occasion d’actes médicaux d’investigation et de soins pratiqués sur un patient, ce principe ne fait pas obstacle au recours de l’établissement de santé et de son assureur, en raison de l’indépendance professionnelle intangible dont bénéficie le médecin, même salarié, dans l’exercice de son art. »

-         Deuxième étape : le retour à l’orthodoxie de la décision costedoat pour les professions médicales salariées :

Cette solution n’est cependant pas retenue concernant une un médecin et une sage femme salariés qui agissent sans excéder les limites de leur mission : Celle-ci doit en effet profiter de la solution dégagée par la jurisprudence Costedoat.

Cf. Cass. Civ. 1ère, 9 novembre 2004, JCP 2004, Act. n° 608, D. 2004, IR p. 3039, JCP 2005, II n° 10020 :

« Le médecin salarié qui agit sans excéder les limites de la mission qui lui est impartie par l’établissement de santé privée, n’engage pas sa responsabilité à l’égard du patient ; A violé les articles 1382 et 1384 alinéa 5 du Code civil, la Cour d’appel qui, pour condamner le médecin de garde dans un établissement de santé à indemniser le préjudice subi par le patient, relève que celui-ci n’a pas correctement surveillé les suites de l’intervention chirurgicale, que sa qualité de salarié n’aliène nullement l’indépendance dont il dispose dans l’exercice de son art et que sa responsabilité doit être retenue sur le fondement de l’article 1382 et 1384 alinéa 5 du Code civil. (1er arrêt)

La sage femme salariée qui agit sans excéder les limites de la mission qui lui est impartie par l’établissement de santé privée, n’engage pas sa responsabilité à l’égard de la patiente ; Cassation pour violation des articles 1382 et 1384 alinéa 5, de l’arrêt qui pour condamner une sage femme in solidum avec la clinique qui l’employait et un gynécologue obstétricien au paiement d’indemnités aux parents d’un enfant souffrant d’une grave infirmité motrice cérébrale, relève que la sage femme dispose d’une indépendance professionnelle qui en fait plus qu’une simple préposée de sorte que sa responsabilité professionnelle peut être recherchée en raison de fautes personnelles commises et que le défaut de surveillance qui lui est imputable a retardé la découverte d’une souffrance fœtale à l’origine des lésions dont souffre l’enfant. » (2ème arrêt)

B. L’indemnisation et le droit de la responsabilité médicale :

1) Responsabilité du médecin et handicap de l’enfant :

Cass. Ass. Plén., 17 novembre 2000, D. 2001, Jur. p. 332,  JCP 2000, II n° 10438 : « Dés lors que les fautes commises par un médecin et un laboratoire dans l’exécution de contrats formés avec une femme enceinte (non détection de la rubéole) ont empêché celle-ci d’exercer son choix d’interrompre sa grossesse afin d’éviter la naissance d’un enfant handicapé, ce dernier peut demander la réparation du préjudice résultant de ce handicap et causé par les fautes retenues. »

Cass. Ass. Plén., 13 juillet 2001, D. 2001, Jur. p. 2325, BICC 1er octobre 2001, JCP 2001, II n° 10601 ; Cass. Ass. Plén. 28 novembre 2001, BICC 1er février 2002, JCP 2002, II n° 10018, D. 2001, IR p. 3587 : « L’enfant né handicapé peut demander la réparation du préjudice résultant de son handicap si ce dernier est en relation de causalité directe avec les fautes commises par le médecin dans l’exécution du contrat formé avec sa mère et qui ont empêché celle-ci d’exercer son choix d’interrompre sa grossesse »

Art. 1er L. 4 mars 2002 :

Nul ne peut se prévaloir d’un préjudice du seul fait de sa naissance. (al. 1er)

La personne née avec un handicap dû à une faute médicale peut obtenir réparation de son préjudice lorsque l’acte fautif a provoqué directement le handicap ou l’a aggravé ou n’a pas permis de prendre les mesures susceptibles de l’atténuer. (al. 2ème)

Lorsque la responsabilité d’un professionnel ou d’un établissement est engagé vis-à-vis des parents d’un enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse à la suite d’une faute caractérisée, les parents peuvent demander une indemnité au titre de leur seul préjudice. Ce préjudice ne saurait inclure les charges particulières découlant tout au long de la vie de l’enfant, de ce handicap. La compensation de ce dernier relève de la solidarité nationale. (al. 3ème)

CAA Paris, 24 juin 2003, D. 2004, Jur. p. 983 : « Il résulte des dispositions de l’article 1er de la loi du 4 mars 2002, qu’elles s’appliquent à l’indemnisation des handicaps causés par des fautes médicales intervenues pendant la gestation de l’enfant qui en a été victime, mais qu’elles ne sont pas applicables aux fautes qui ont pour effet, comme c’est le cas en l’espèce, de ne pas permettre aux parents concernés d’éviter la conception d’un enfant handicapé

Responsabilité des médecins pour indemnisation des troubles dans les conditions d’existence et des préjudices matériels relatifs aux charges particulières découlant tout au long de la vie de l’enfant et de son handicap. »

Fermeté d’application du texte

Cf. Le Monde, 14 février 2004

Cf. Civ. 1ère, 9 mars 2004

2) L’indemnisation des infections nosocomiales :

L’ONIAM interviendra dans deux hypothèses :

-         art. 1142-1 1° CSP issu de la loi du 4 mars 2002 : Intervention subsidiaire, si la victime n’est pas en mesure de prouver une faute du médecin ou que l’établissement a réussi à prouver la présence d’une cause étrangère.

-         art. 1142-1 2° CSP issu de la loi du 4 mars 2002 : Intervention en dehors des activités de prévention, de diagnostic ou de soins en cas de circonstance exceptionnelle par un professionnel ou un établissement

-         art. 1142-1-1 CSP issu de la loi du 30 décembre 2002 : Intervention principale, en cas d’infection contractée dans un établissement de santé correspondant à un taux d’incapacité permanente supérieure à 25% ou en cas de décès.

-         art. 1142-10 CSP : La loi met aussi en place un système d’assurance obligatoire (art. 1142-2 CSP) Cependant la loi prévoit aussi qu’en cas de dépassement des plafonds de garantie, l’ONIAM prend encore le relais

3) L’indemnisation de l’aléa thérapeutique :

Antérieurement à la loi du 4 mars 2002 :

-         Jurisprudence administrative :

CAA Lyon, 26 décembre 1990, JCP G 1991, II, 21698, arrêt GOMEZ : « Considérant que l’utilisation d’une thérapeutique nouvelle, crée lorsque ses conséquences ne sont pas entièrement connues, un risque spécial pour les malades qui en sont l’objet ; que lorsque le recours à une telle thérapeutique ne s’impose pas pour des raisons vitales, les complications exceptionnelles et anormalement graves, qui en sont la conséquence directe, engagent même en l’absence de faute la responsabilité du service public hospitalier »

CE, 9 avril 1993, JCP G 1993, II, 22061, arrêt BIANCHI : « Lorsqu’un acte médical nécessaire au diagnostic ou au traitement du malade présente un risque dont l’existence est connue mais dont la réalisation est exceptionnelle et dont aucune raison ne permet de penser que le patient y soit particulièrement exposé, la responsabilité du service public hospitalier, est engagée si l’exécution de cet acte est la cause directe de dommage sans rapport avec l’état initial du patient comme avec l’évolution prévisible de cet état et présentant un caractère d’extrême gravité. »

CE, 27 oct. 2000, D.2001, Jur. p.1196, D.2002, Somm. p.449 : Le dommage peut être « sans rapport avec l’état initial du patient » lorsqu’il s’explique par une prédisposition de la victime qui ne pouvait être décelée par les investigations préparatoires normales.

-         Jurisprudence judiciaire :

Cass. Civ 1re, 8 nov. 2000, JCP G 2001, II, 10493, JCP 2001, II n° 10493, Defrénois 2001, : « La réparation des conséquences de l'aléa thérapeutique n'entre pas dans le champ des obligations dont un médecin est contractuellement tenu à l'égard de son patient. » A la différence du Conseil d'Etat, qui admet la réparation des effets préjudiciables de l'aléa thérapeutique dans des conditions, il est vrai, très étroites, la Cour de cassation exclut en revanche celle-ci.

Cela étant, l'arrêt du 8 novembre 2000 a pris soin de cerner, aussi précisément que possible, la notion d'aléa thérapeutique : il s'agit de la « survenance, en dehors de toute faute du praticien, d'un risque accidentel inhérent à l'acte médical et qui ne pouvait être maîtrisé ». Cette définition fait apparaître que l'on est, pratiquement, dans une situation de force majeure, en ce sens que, même prévisible, la réalisation du dommage est irrésistible ; elle est exceptionnelle et ne peut être maîtrisée

La loi du 4 mars 2002 est venue consacrer un droit à l’indemnisation de l’aléa thérapeutique

L’article 1142-1 CSP II) En cas d’accident médical, affection iatrogène ou d’infection nosocomiale et en l’absence d’une responsabilité engagée, un droit à réparation existe au titre de la solidarité nationale, si :

-         Les dommages sont imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins

-         S’ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé et de son évolution prévisible

-         S’ils présentent un caractère de gravité fixé par décret.

Concernant la gravité, le décret du 4 avril 2003 a fixé à 24% ce seuil au-delà duquel le dommage sera intégralement réparé. Cependant ce décret a aussi reconnut le caractère grave de certains accidents médicaux, affection iatrogène s’ils dépassent une durée d’ITT de 6 mois consécutifs ou non consécutifs sur une période de 12 mois. Et à titre exceptionnel lorsque la victime est déclarée inapte à exercer son activité professionnelle. Le décret présente aussi un barème.

La procédure se fait comme pour les infections nosocomiales tombant dans l’aléa thérapeutique ou bien celle qui ont des conséquences les plus graves devant l’ONIAM. Existence de commissions régionales de conciliation qui émet un avis dans un délai. Si l’avis établit une faute, recours à l’assurance avec une procédure d’offre amiable, sinon indemnisation devant l’ONIAM.

C. Le droit à l’information en matière médicale :

1) Nature et étendue de l’obligation d’information

Antérieurement à la loi du 4 mars 2002 :

Req. 28 janvier 1942, Arrêt TESSIER, D. 1942, p. 63 : Condamnation d’un médecin pour ne pas avoir averti son patient de la nature exacte de l’opération, ni du choix fait entre deux méthodes curatives.

Cass. Civ. 1ère, 7 octobre 1998, D. 1999, Jur. p. 145, JCP 1998, II n° 10179 : Hormis les cas d’urgence… un médecin est tenu de donner une information loyale, claire et appropriée sur les risques graves afférents aux investigations et soins proposés et il n’est pas dispensé de cette obligation par le seul fait que ces risques ne se réalisent qu’exceptionnellement.

Cass. Civ. 1ère, 18 juillet 2000, D. 2000, IR p. 217 : Le médecin n’est pas dispensé de cette information sur la gravité du risque par le seul fait que l’intervention serait médicalement nécessaire.

Cass. Civ. 1ère, 23 mai 2000, JCP 2000, II n° 10342 : L’article 42 du Code de déontologie médicale autorise le médecin à limiter cette information en cas de diagnostic ou de pronostic grave ; cette limitation doit être fondée sur des raisons légitimes et dans l’intérêt du patient, apprécié en fonction de la nature de la pathologie, de son évolution prévisible et de la personnalité du malade.

Cas particulier de la chirurgie esthétique : Cass. Civ. 1ère, 17 février 1998, RTD Civ. 1998, p. 681 : en la matière le praticien était tenu « non seulement sur les risques graves de l’intervention mais aussi sur tous les inconvénients pouvant en résulter. »

La loi du 4 mars 2002, a inséré un article 1111-2 CSP qui entérine la jurisprudence antérieure et assure une large obligation du médecin quant à l’information dont il est tenu.

En effet, elle porte « sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu’ils comportent ainsi que les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. »

D’autre part, l’obligation ne s’arrête pas là puisque « lorsque postérieurement à l’exécution… des risques nouveaux sont identifiés, la personne concernée doit en être informée, sauf en cas d’impossibilité de la retrouver. »

Cette information « incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles… Seules l’urgence ou l’impossibilité d’informer le patient peuvent l’en dispenser. » De même « la volonté d’une personne d’être tenue dans l’ignorance d’un diagnostic ou d’un pronostic doit être respectée sauf risque pour les tiers… »

Concernant la chirurgie esthétique, l’article L. 6322-2 CSP entérine lui aussi la jurisprudence de 1998 (Cass. Civ. 1ère, 17 février 1998, JCP 1998, I n° 144, esp. n° 20 ; RTD Civ. 1998, p. 681) : Le praticien est tenu d’informer de tous les « risques et dangers intrinsèques mais aussi sur les répercussions physiques, esthétiques et psychologiques. »

Jurisprudence postérieure prise en application de la loi du 4 mars 2002

Il semble qu’il y ait recul de l’obligation d’information, ou du moins frilosité de la Cour de casstion.

Cass. Civ. 1ère, 18 décembre 2002, D. 2003, IR p. 253 : Le médecin n’est tenu d’informer son patient que pour les risques liés à l’intervention qu’il préconise, il ne peut lui être imputé à faute un défaut d’information quant à un risque totalement imprévisible.

Cass. Civ. 1ère, 13 novembre 2002, RTD Civ. 2003, p. 98 : De plus, le défaut à l’obligation d’information ne peut entraîner réparation que pour autant qu’il cause un préjudice.

Ainsi, pour la Cour de cassation, lorsqu’il n’est pas démontré, qu’informé du risque exceptionnel tenant à l’acte chirurgical dont la nécessité était admise, le patient aurait refusé l’intervention, la violation d’une obligation d’information incombant au praticien ne peut être sanctionnée, car il n’en résulte pas un préjudice. (Cette existence étant par ailleurs souverainement appréciée et constatée par les juges du fond.)

2) Le problème de la charge de la preuve :

Antérieurement à la loi du 4 mars 2002 :

L’arrêt HEDREUL (Cass. Civ. 1ère, 25 février 1997, GAJC 11ème éd., n° 13, Defrénois 1997 n° 36591-82, p. 751 obs. Aubert ) affirmait que : « Celui qui est légalement ou contractuellement tenu d'une obligation particulière d'information doit rapporter la preuve de l'exécution de cette obligation. Le médecin est tenu d'une obligation particulière d'information vis-à-vis de son patient et il lui incombe de prouver qu'il a exécuté cette obligation. »

Selon Aubert : « Diverses particularités rédactionnelles de l'arrêt inclinent à penser que la solution « médicale » n'est rien d'autre que l'application particulière d'un principe plus général : outre, d'abord, le visa de l'article 1315, qui affirme la référence à un principe général du droit de la preuve, et ensuite l'indication d'une prise en compte indistincte des obligations d'information légales ou contractuelles, force est de constater que l'arrêt comporte un chapeau qui ne fait aucune référence à la fonction médicale : c'est « celui qui est légalement ou contractuellement tenu d'une obligation particulière d'information » qui « doit rapporter la preuve de l'exécution de cette obligation ».

La loi du 4 mars 2002 intégra un article 1111-2 alinéa 7 qui dispose désormais tout aussi explicitement qu’ « en cas de litige, il appartient au professionnel ou à l’établissement de santé d’apporter la preuve que l’information a été délivrée à l’intéressé dans les conditions prévues au présent article. »

Outre une considération d’opportunité comme l’affirmait Aubert, la solution est désormais justifiée par le recours au droit commun des obligations et à la spécificité du texte du CSP.

La jurisprudence récente est cependant venue préciser que la preuve de cette obligation d’information se fait par tous moyens même par présomptions. (Cass. Civ. 1ère, 4 janvier 2005, D. 2005, IR, p. 170, confirmation de Cass. Civ. 1ère, 14 octobre 1997, D. 1997, IR p. 236)

3) Concernant enfin le préjudice :

Cass. Civ. 1ère, 20 juin 2000, Defrénois 2000, n° 37237-67, p. 1121 : « Le praticien qui manque à son obligation d'information portant sur les risques graves inhérents à un acte médical prive le patient de la possibilité de donner un consentement éclairé à cet acte. Il est de l'office du juge de rechercher, en prenant en considération l'état de santé du patient ainsi que son évolution prévisible, sa personnalité, les raisons pour lesquelles des investigations ou des soins à risques lui sont proposés, ainsi que les caractéristiques de ces investigations, de ces soins et de ces risques, les effets qu'aurait pu avoir une telle information quant à son consentement ou à son refus. Par une appréciation souveraine de ses constatations, la cour d'appel a estimé qu'informé du risque grave inhérent à l'acte médical, le patient n'aurait refusé ni l'investigation, ni les soins, de sorte qu'il ne justifiait d'aucun préjudice indemnisable »

Remarques D. MAZEAUD : Apparemment donc, la Cour de cassation admet désormais l'exception thérapeutique au rang des hypothèses dans lesquelles le médecin n'est pas tenu d'une obligation d'information sur les risques graves inhérents à l'acte médical. Dans le respect de la dignité de la personne humaine, le droit de savoir du patient peut céder lorsque son propre intérêt suppose le silence du médecin. Ainsi, de même que la protection du malade autorise le médecin à lui dissimuler un diagnostic ou un pronostic grave, l'intérêt du patient justifie le silence du praticien sur les risques graves inhérents au traitement qu'il lui propose. Il en va ainsi lorsque l'information sur de tels risques graves créerait, pour le patient, en raison de son état de santé actuel ou futur, de sa personnalité, des raisons pour lesquelles un acte médical à haut risque est envisagé ou des caractéristiques de cet acte, un important risque d'échec de l'acte médical. A fortiori, lorsque l'exécution de l'obligation d'information aurait conduit le patient à exprimer son consentement à l'acte médical qui lui était proposé, en dépit du risque grave inhérent audit acte, il ne peut, faute de préjudice, engager la responsabilité du médecin silencieux. 

D. Le consentement du patient :

a) Le recueil du consentement :

L’article 1111-4 al. 1er CSP dispose que « toute personne prend avec le professionnel de santé et compte tenu des informations et des préconisations qu’il lui fournit, les décisions concernant sa santé »

L’alinéa 2 dispose que « lorsque la personne est hors d’état d’exprimer sa volonté, aucune intervention ou investigation ne peut être réalisée, sauf urgence ou impossibilité, sans que la personne de confiance prévue à l’article 1111-6, ou la famille, ou à défaut, un de ses proches ait été consulté. »

b) Le refus de soin du patient :

Le droit d’accéder aux soins ne peut être mis en œuvre que si la personne a manifesté sa volonté d’en bénéficier.

En effet, le refus de soins est accepté de manière apparemment non équivoque par la loi du 4 mars 2002. L’article L. 1111-4 al.2 du code de la santé publique dispose en effet in limine que «  Le médecin doit respecter la volonté de la personne après l’avoir informée des conséquences de ses choix ». Il existe donc une liberté de refuser les soins. Certes, cette liberté est encadrée par la seconde partie de l’art. 1111-4 al. 2 qui, comme l’art 36 al. 2 du code de déontologie médicale précise que « si la volonté de la personne de refuser ou d’interrompre un traitement met sa vie en danger, le médecin doit tout mettre en œuvre pour la convaincre d’accepter les soins indispensables », mais la décision finale semble appartenir au patient.

Dès lors, la toute puissance de la volonté du patient est remarquable. Positivement, elle donne un droit à se faire soigner, négativement, au nom du principe de consentement aux soins, elle permet à un patient de refuser un traitement. Or, ce refus semble permettre implicitement l’euthanasie passive. A cet égard la loi française peut être rapprochée du droit anglais, tel qu’il résulte d’un arrêt de la High Court of Justice, Family Division, du 22 mars 2002 (Defrénois 2002, art. 37598 ) et peut être mise en parallèle avec le Code civil du Québec de 1994, dont l’article 11 consacre également le consentement aux soins. 

Cependant, le cas des mineurs est largement dérogatoire au schéma suscité, du fait de la faible prise en compte de la volonté du mineur. On constate de plus l’existence d’une  jurisprudence administrative qui, sur la question du refus de soins semble aller à l’encontre de la lettre de la loi du 4 mars 2002. Dès avant la dite loi, (CE 26 octobre 2001, JCP 2002, II, 10025, note Moreau, PA, 15 janvier 2002, note Clément, AJDA 2002, p. 259, note Derguergue.) avait décidé qu’un médecin ne commettait pas de faute si, en conscience il décidait de passer outre la volonté du malade pour lui appliquer un traitement proportionné à son état, susceptible de lui sauver la vie. Le Conseil d’Etat se fondant implicitement sur le principe que dans ces cas extrêmes, la conscience du médecin est le seul arbitre de la décision à prendre.   

La Haute juridiction administrative reprend ce raisonnement, dans une ordonnance, postérieure à la loi du 4 mars 2002, (CE, 26 août 2002, JCP éd G 2002, II 10184, note Mistretta ). Elle y explique dans sa motivation que l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’homme, garantissant la liberté de religion, n’est pas bafoué lorsqu’un acte, indispensable à la survie du patient, et proportionné à son état, est réalisé, et cela même s’il va à l’encontre des convictions exprimées par le patient.

De plus, il est permis d’affirmer que cette décision prive la loi Kouchner de sa pleine mesure. En effet, sont cités les articles 36 du Code de déontologie médicale et surtout le nouvel article 1111-4 du Code de la santé publique. Il est précisé pour ces deux articles qu’ils mettent certes en exergue le rôle de la volonté du patient dans le refus de soins, mais qu’ils sont muets sur les cas où la vie est menacée. Or, cette situation serait tellement grave que le législateur n’aurait pu vouloir l’intégrer dans ces textes généraux et aurait commis un texte particulier à cet effet. Au surplus, l’article 2 du Code de déontologie médicale énonce comme un devoir général du médecin le fait d’exercer sa mission dans le respect du droit à la vie humaine, or respecter la volonté du patient dans ces cas reviendrait à agir au mépris de cette vie.

Pour contre balancer ces arguments textuels, certains en font valoir un autre, là où la loi ne distingue pas, il n’y a pas lieu de distinguer, et les cas où le pronostic vital est en jeu doivent être entendu comme contenus dans les prescriptions de l’article 1111-4 et de l’article 36 du Code de déontologie. C’est d’ailleurs en ce sens que s’est prononcé le juge des référé du Tribunal administratif de Lille TA Lille, 23 août 2002 n° 02-3138, AJDA, 16 septembre 2002, p.723. V. aussi, Libération, 5 septembre 2002.) en précisant que refuser de tenir compte de l’opposition de la patiente était une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté individuelle, sans y apporter de restriction en cas de risque de décès. Selon cette analyse, les décisions du Conseil d’Etat n’auraient donc qu’une portée réduite, du fait de leur caractère contra legem.

S’y ajoute également la constatation que ce n’est pas parce qu’il n’y a pas condamnation de l’acte allant à l’encontre de la volonté du patient en le sauvant, qu’il y aurait condamnation, administrative ou pénale, en cas de suivi de cette volonté et donc de mort subséquente. Donc, ce qui semble être une reconnaissance implicite de l’euthanasie passive par l’ordre de la loi constitué par l’article 1111-4, ne semble pas être remis en cause par les décisions administratives.   

CE 26 octobre 2001, RTD Civ. 2002, p. 484 :

Une femme témoin de jéhovah refusait toute transfusion sanguine. Le médecin était passé outre.

L’arrêt reprend les circonstances de fait in concreto (Situation extrême, acte indispensable à la survie, absence de tout autre moyen…) et refuse la responsabilité de l’hôpital.

Cependant la loi du 4 mars 2002 limite la faculté d’action du médecin en l’absence de tout consentement du patient au cas où le malade est hors d’état de manifester sa volonté après consultation des proches.

CE Ord. Réf. 16 août 2002, D. 2002, IR p. 2581, RTD Civ. 2002, p. 781 :

Sur le visa des articles 16-3 du Code civil et L. 1111-4 CSP.

« Considérant que le droit pour le patient majeur de donner, lorsqu'il se trouve en état de l'exprimer, son consentement à un traitement médical revêt le caractère d'une liberté fondamentale ; que toutefois les médecins ne portent pas à cette liberté fondamentale, telle qu'elle est protégée par les dispositions de l'article 16-3 du code civil et par celles de l'article L. 1111-4 du code de la santé publique, une atteinte grave et manifestement illégale lorsqu'après avoir tout mis en œuvre pour convaincre un patient d'accepter les soins indispensables, ils accomplissent, dans le but de tenter de le sauver, un acte indispensable à sa survie et proportionné à son état ; que le recours, dans de telles conditions, à un acte de cette nature n'est pas non plus manifestement incompatible avec les exigences qui découlent de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et notamment de son article 9 »

Le médecin doit donc respecter le refus du patient jusqu’au cas où la survie de celui-ci est en jeu…

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7 juillet 2005

Responsabilité du fait personnel

(A)   La faute

1° Pour la faute personnelle, le critère à prendre en compte est celui de l’illicéité. En effet, pour qu’un acte soit illicite, il n’est pas nécessaire qu’il soit formellement illégal ; et à l’inverse, ce n’est pas parce que l’on se conforme à une disposition légale ou réglementaire que la faute est exclue. Il suffit qu’il soit un comportement défectueux, une erreur de conduite.

2° Hiérarchie des fautes selon leur gravité (Faute dolosive ou intentionnelle qui suppose l’intention de nuire ; La faute lourde qui ne comporte pas d’intention de nuire ; Faute inexcusable qui est propre à certains régimes spéciaux ; La faute disciplinaire ; La faute sportive) ou selon leur mode de réalisation (Omission, commission

(B)   Le risque

1° Le risque n’est pas un principe général de responsabilité se substituant à la faute. Toutefois, il se combine avec elle. Pour SAVATIER, le risque serait un principe de responsabilité autonome et différent de la faute, mais inférieur à elle ; Il serait un principe subsidiaire qui devrait s’effacer chaque fois qu’il y a une faute. Pour FLOUR et AUBERT, le risque serait en quelque sorte l’exception, alors que la faute serait le principe. Pour STARCK, ROLAND et BOYER, distinction est nécessaire. Face à un dommage économique ou moral : la faute devrait être nécessaire afin de remplir son rôle répressif et préventif. Face à un dommage corporel ou matériel : il y a droit à garantie indépendant de toute faute. Pour MAZEAUD et CHABAS, le risque n’est pas vraiment opposé à la faute, car il traduit l’idée que tous, devons répondre de nos activités anormales. Or l’acte anormale et la faute sont des notions voisines.

2° Typologie :

Le risque activité : Chaque fois qu’une personne par son activité crée un risque pour autrui, elle devrait répondre de ses conséquences dommageables.

Le risque profit : Celui qui tire profit d’une activité doit en supporter la charge.

Le risque danger : Limitation de la théorie du risque aux choses dangereuses.

Le risque autorité : Tout chef a une responsabilité qui découle de l’existence même de son autorité. Il n’y a pas de pouvoir sans responsabilité.

Cf. Cass. Civ. 2ème, 20 novembre 2003, JCP 2004, II n° 10004 sous responsabilité du fait des choses

Cass. Civ. 2ème, 10 juin 2004, JCP 2004, II n° 10175 : Absence d’autorité sur le civil de la chose jugée au sportif

« Le principe posé par les règlements organisant la pratique d’un sport, selon lequel la violation des règles du jeu est laissée à l’appréciation de l’arbitre chargé de veiller à leur application, n’a pas pour effet de priver le juge civil, saisi d’une action en responsabilité fondée sur la faute de l’un des pratiquants, de sa liberté d’apprécier si le comportement de ce dernier a constitué une infraction aux règles du jeu de nature à engager sa responsabilité. »

1)      Il peut exister un conflit entre l’ordre juridique étatique et l’ordre juridique sportif.

En effet, bien que le juge suive quasi systématiquement le juge sportif (par respect du principe selon lequel « l’arbitre est mieux placé pour dire si les règles de l’art, si l’attitude du bon sportif, ont été respectées ») celui-ci peut cependant en droit, passer outre la décision de ce dernier. Le juge est en effet, le seul investi d’une mission juridictionnelle ; l’arbitre ne disant pas le droit, il est investi d’une mission d’expertise.

2)      Sur l’appréciation de la faute civile par rapport à la faute sportive

Toute violation de la règle de jeu ne suffit pas, en elle-même à engager une responsabilité civile. Il y aurait incohérence à affirmer la liberté d’appréciation du magistrat et de l’assujettir à cette identité des fautes. Et surtout, il serait inconcevable de faire entrer aussi facilement, la responsabilité civile sur le terrain sportif.

Cependant, le juge peut circonscrire parmi l’ensemble des fautes sportives, celles qui constituent une faute civile. Rapprochement ici, entre les règles déontologiques et la caractérisation de la faute civile. Mais, là encore, le domaine de la faute civile ne peut pas être délimité aussi strictement, puisque cette décision permet au juge civile de découvrir une faute civile, en l’absence de toute faute sportive.

6 juillet 2005

Responsabilité du fait d'autrui

Cass. Civ. 2ème, 21 octobre 2004, D. 2005, Jur. p. 40, RCA 2005, Comm. n° 9 : Exigence constante de la faute du joueur pour engager la responsabilité de l’association sur le fondement de 1384 alinéa 1er

« Selon l’article 1384 alinéa 1er, les associations sportives, ayant pour mission d’organiser, de diriger et de contrôler l’activité de leurs membres, sont responsables des dommages qu’ils causent à cette occasion, dés lors qu’une faute caractérisée par une violation des règles du jeu est imputable à l’un de ses membres, même non identifié. »

Cette décision impose de nombreuses réflexions :

Quid de l’articulation avec la jurisprudence sur l’immunité du préposé ?

Quid de l’articulation avec la responsabilité des parents ?

Quid de l’exigence d’une faute caractérisée par la violation des règles du jeu ?

Cass. Civ. 2ème, 13 mai 2004, D. 2004, IR p. 1711 : Confirmation de l’arrêt du 20 novembre 2003….

« Viole l’article 1384 al. 1er du Code civil, la Cour d’appel qui déclare des comités de rugby solidairement responsables du dommage subi par la victime, alors que ses motifs ne caractérisent pas une faute consistant en une violation des règles du jeu commise par un ou plusieurs joueurs, même non identifiés, faute seule de nature à engager la responsabilité d’une association sportive. »

Cass. Civ. 2ème, 20 novembre 2003, JCP 2004, II n° 10017, D. 2004, Jur. p. 300 : Nécessité d’une faute pour la mise en jeu de la responsabilité du fait d’autrui

« En l’état des constatations et énonciations, dont il résulte qu’aucune faute caractérisée par une violation des règles du jeu et imputables à un joueur, même non identifié, membre de l’association sportive à laquelle le joueur appartenait lui-même n’était établie, la Cour d’appel, qui n’a pas justifié sa décision au regard de l’article 1384 alinéa 1er du Code civil. »

Cf. les applications de la responsabilité du fait d’autrui aux clubs sportifs dans les arrêts Cass. Civ. 2ème, 22 mai 1995, JCP 1995, II n° 22550 et Cass. Civ. 2ème, 3 février 2000, JCP 2000 II n° 10316, D. 2000, Jur. p. 862

5 juillet 2005

Responsabilité du fait des choses

Historique :

Initialement reconnu comme le simple frontispice annonciateur des articles suivants, l’article 1384 alinéa 1er (n’avait alors aucune valeur propre. L’évolution jurisprudentielle amorcée à partir de la fin du XIXème siècle vint alors contredire cette affirmation initiale pour reconnaître une véritable portée juridique cette règle.

1° évolution : Les accidents du travail.

Face aux accidents du travail, l’ouvrier se trouvait quasiment démuni pour rapporter la preuve d’une faute de son employeur. Toutefois, la Cour de cassation par un arrêt TEFFAINE (Cass. Civ., 16 juin 1896, D. P. 1897, I p. 433) est venue reconnaître la possibilité d’appliquer l’article 1384 alinéa 1er à ce type d’indemnisation. Mais une loi du 9 avril 1898 organisa alors un système de responsabilité automatique et forfaitaire.

2° évolution : Les accidents de la circulation.

C’est sur ce point le fameux arrêt JAND’HEUR ((Cass. Civ. 13 février 1930, arrêt JANDHEUR, GAJC 11ème éd. n° 193, DP 1930, I p. 57 : « La présomption de responsabilité établie par l’article 1384 alinéa 1er, à l’encontre de celui qui a sous sa garde la chose inanimée qui a causé un dommage à autrui, ne peut être détruite que par la preuve d’un cas fortuit ou de force majeure ou d’une cause étrangère qui ne lui soit pas imputable, sans qu’il suffise au gardien pour s’éxonérer de toute responsabilité, de prouver qu’il n’a commis aucune faute ou que la cause du fait dommageable est demeurée inconnue ; la loi, pour l’application de la présomption qu’elle édicte, ne distingue pas suivant que la chose qui a causé le dommage était ou non actionnée par la main de l’homme ; il n’est pas nécessaire qu’elle ait un vice inhérent à sa nature et susceptible de causer le dommage, l’article 1384 alinéa 1er, rattachant la responsabilité à la garde de la chose, non à la chose elle-même. » ), qui est venu reconnaître une présomption de responsabilité à l’encontre de celui qui a sous sa garde une chose inanimée causant un préjudice à autrui.

Cette décision semble reconnaître une véritable théorie du risque, puisque c’est la garde de la chose qui impose cette présomption de responsabilité et non la chose elle-même. Cependant, cette théorie sera abandonnée pour plus de pragmatisme avec l’arrêt FRANCK, grâce auquel on distingue les notions de propriétaires et de gardien. La propriété est en effet un droit sur la chose ; alors que la garde est un pouvoir de fait qui appartient à celui qui a « l’usage, la direction et le contrôle » de la chose.  (Cass. 2 décembre 1941, S. 1941, I p. 217)

Cass. Civ. 2ème, 24 avril 2003, JCP 2004, II n° 10049 (2 espèces) : Garde de la chose et escalade

« Lors de l’escalade d’une falaise, un grimpeur a été frappé par une pierre qui s’est détachée alors qu’elle servait de prise à un autre grimpeur. Pour condamner ce dernier à réparation du préjudice corporel subi par la victime, l’arrêt retient que le grimpeur, en utilisant une pierre déterminée comme prise, en est devenu gardien. En statuant ainsi, sans préciser en quoi le grimpeur, en prenant appui sur cette pierre déterminée, avait acquis sur cette chose un pouvoir d’usage, de contrôle et de direction, effectif et indépendant caractérisant la garde, la Cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard de l’article 1384 alinéa 1er. (1er arrêt)

Ayant retenu qu’un alpiniste posant le pied sur un pierre « ne peut raisonnablement pas diriger et contrôler cette dernière sur laquelle il marche aussi », et que l’alpiniste n’a donc pas exercé sur cette pierre les pouvoirs d’usage, de contrôle et de direction qui caractérisent la garde d’une chose, la Cour d’appel a légalement justifié sa décision de ne pas accueillir l’action en réparation au regard de l’article 1384 alinéa 1er. (2ème arrêt) »

Arrêt que le commentateur trouve étrange car un arrêt du 18 mai 2000 JCP 2000, I n° 280 reconnaissait la faute dans le simple fait de tomber et d’entraîner un autre grimpeur dans sa chute.

D’ailleurs dans la deuxième espèce la Cour de cassation approuvait la motivation selon laquelle l’individu en tête ne pouvait être considéré comme chef de corvée car il n’avait pas la compétence suffisante pour endosser la responsabilité de la conduite de l’escalade. De plus, pas de méconnaissance du devoir d’information, car tous les encordés connaissaient le risque de chute de pierre par la lecture préalable d’un guide topographique et du bon sens.

Cass. Civ. 2ème, 18 septembre 2003, JCP 2004, II n°10013 : Responsabilité du fait des choses inanimées

« Alors qu’il ressortait de ses propres constatations que l’un des plots en ciment délimitant le passage pour piétons avait été l’instrument du dommage, la Cour d’appel a violé l’article 1384 alinéa 1er du Code civil en déboutant de sa demande la personne blessée ayant heurté ce plot et cela même si cette chose ne constitue ni un obstacle, ni un danger particulier pour les usagers et qu’elle ne peut être considérée comme anormale (et que l’enlèvement de ces plots après l’accident n’est pas en soi signe d’une dangerosité particulière.) »

Cass. Civ. 2ème, 20 novembre 2003, JCP 2004, II n° 10004, JCP 2004, I n° 163 spéc. n° 6 : Garde de la chose et cigarette

La Cour de cassation confirme l’absence d’obligation d’information, des consommateurs sur les dangers du tabagisme avant la loi Veil de 1976, des fabricants de tabac. En effet, les autorités gouvernementales dont le ministre des finances, autorité de tutelle de la SEITA, informées des 1964 sur les dangers de la consommation excessive de tabac, divergeaient sur le caractère impératif et sur les modalités de l’information.

Elle refuse de caractériser un lien de causalité entre les dommages invoqués par les victimes par ricochet et les fautes alléguées à l’encontre de la SEITA. Ainsi, pas de responsabilité du fabricant de tabac après 1976. Il n’est en effet pas démontré que la désinformation imputée et que l’ensemble des fautes reprochées aient joué un rôle dans l’habitude prise par la victime.

Enfin, il n’est pas démontré une fabrication anormale en l’état actuel des connaissances, et ainsi la théorie distinguant garde de la structure et garde du comportement applicable aux choses dotées d’un dynamisme propres et dangereuses ou encore dotées d’un dynamisme interne et affecté d’un vice interne, n’est pas applicable aux cigarettiers.

4 juillet 2005

Les accidents de la circulation et la loi BADINTER du 5 juillet 1985

A. Elaboration de la loi du 5 juillet 1985 tendant à l’amélioration de la situation des victimes d’accidents de la circulation et à l’accélération des procédures d’indemnisation.

1) Avec seulement une responsabilité engagée sur l’article1384 du Code civil, il s’est avéré que la protection des victimes n’était nullement complète pour plusieurs raisons :

-         Déviation de la jurisprudence de sa ligne initiale imprimée par l’arrêt JAND’HEUR pour une extension de plus en plus large des causes d’exonération et des moyens de défense susceptibles de réduire la dette de réparation du gardien du véhicule et par conséquent d’amputer l’indemnisation des victimes par l’assureur (Cf. Cass. Civ. 2ème, 17 décembre 1963, D. 1964, Jur. p. 569, JCP 1965, II n° 14075 : « Le fait même non fautif de la victime pouvait exonérer partiellement le gardien »)

-         En cas de rôle passif du véhicule, la notion de « cas fortuit » a été défini de plus en plus largement ce qui a permis aux assureurs de refuser toute réparation à l’occasion d’accidents causés par exemple par la présence sur la route d’une plaque de verglas, d’une flaque d’huile ou autres.

-         En outre, et surtout, la faute de la victime a pris des proportions considérables, certains assureurs ayant pris l’habitude de refuser systématiquement une indemnisation intégrale en invoquant une imprudence, une négligence ou même une simple maladresse de la personne lésée. Or les tribunaux ont encouragé cette attitude en admettant facilement l’exonération au moins partielle pour ces prétendues fautes, même dans les cas où elles étaient reprochées à des infirmes, à des vieillards, à des enfants. (Cass. Civ. 2ème, 3 novembre 1971, Bull n° 297, par ex.)

2) L’arrêt de provocation de la loi de 1985 :

Cass. Civ. 2ème, 21 juillet 1982, arrêt DESMARES, GAJC 11ème éd. n° 205, D. 1982, Jur. p.449, JCP 1982, II n° 19861 : « Seul un événement constituant un cas de force majeure exonère le gardien de la chose instrument du dommage de la responsabilité par lui encourue par application de l’art. 1384 al. 1er que, dès lors, le comportement de la victime, s’il n’a pas été pour le gardien imprévisible et irrésistible, ne peut l’exonérer même partiellement ».

Suppression par cet arrêt de la jurisprudence antérieure et consacrée pendant 50 ans (Cass. req., 13 avril 1934, DP 1934, I p. 41 : « la faute de la victime n’a plus qu’un effet partiellement exonératoire dés lors qu’elle ne revêt pas les caractères de la force majeure. ») sur le caractère partiel de l’exonération en cas de faute de la victime. Il y avait donc un système du tout ou rien : Aucune indemnisation de la victime si sa faute revêtait les caractères de la force majeure, Totale indemnisation dans les autres cas, même en cas de faute d’imprudence de la part de la victime.

Pour parachever la provocation, un arrêt (Cass. Civ. 2ème, 25 janvier 1984, D. 1984, Jur. p. 242) mit fin à la possibilité de se retrancher sur 1382 afin d’obtenir un partage de responsabilité. Lorsque les juges étaient saisis sur 1382 et 1384 al. 1er, ils avaient l’obligation de statuer sur le second en priorité.

3) Sur les difficultés inhérentes à l’articulation entre les autres régimes de responsabilité et la loi du 5 juillet 1985

a) Quatre arrêts rendus entre janvier et février 1987 (Cf. par ex. Cass. Civ. 2ème, 4 février 1987, D. 1987, Jur. p. 187) sont venus lever toute équivoque. Dans ces affaires, la Cour de cassation a en effet censuré les juges du fond au seul motif qu’ils avaient fondé leur décision sur l’art 1384 al 1er du code civil alors que la loi du 5 juillet était applicable au moment ou ils avaient statué. La volonté de la Cour de cassation d’opter ainsi pour l’autonomie est donc certaine .

b) Il y a aussi unification des responsabilités délictuelle et contractuelle en matière d’accidents de la circulation ; la jurisprudence a opté pour l’application exclusive de la loi, en cas de concurrence avec la responsabilité contractuelle.

c) Cass. Civ. 2ème, 11 avril 2002, D. 2002, IR p. 1598 : Est irrecevable l’action de la victime d’un accident de la circulation provoqué par l’état défectueux d’un camion, comme exclusivement dirigée contre le conducteur préposé dés lors que le préposé n’avait pas la garde de la structure du véhicule. La présomption de garde pesant d’ailleurs sur le propriétaire et n’ayant pas été renversée.

d) Il existe une loi du 31 décembre 1957 qui reconnaît les tribunaux judiciaires pour connaître des conséquences des accidents causés par des véhicules de l’administration. Application des règles de droit civil pour l’indemnisation des victimes, même, agents de l’état.

B. Les conditions de la loi du 5 juillet 1985 et la souplesse d’un régime d’indemnisation:

1) Des notions nouvelles viennent à la vie juridique, avec une vision extensive qui permet de multiplier les cas d’engagement de responsabilité :

En raison de la volonté d’indemniser le dommage corporel, des mots viennent à la vie juridique implication, véhicule terrestre à moteur (VTAM), circulation, conducteur…, bref, travail d’ingénierie juridique qui se fait pour répondre au dommage corporel.

a) VTAM : Art. 1er de la loi : Cette notion peut donc se définir comme « tout véhicule destiné au transport de choses ou de personnes, circulant sur le sol et mû par une force motrice quelconque » mais elle ajoute en plus une extension pour les remorques et les semi-remorques. Cependant, la loi exclut dans le même temps, « les chemins de fers et les tramways lorsqu’ils circulent sur des voies qui leurs sont propres. » (Cf jurisprudence sur l’application de la loi lorsque le tramway circule dans la rue : Cass. Civ. 2ème, 6 mai 1987, bull n° 92)

b) Implication : Art. 1er de la loi : Aucune définition n’est donnée par le texte de ce terme et aucune autre référence ne peut être recherchée dans le système juridique français, ce concept étant totalement nouveau. Une conception objective prône le retour à l’esprit de la loi pour définir la notion d’implication : sa finalité est de permettre une meilleure indemnisation des victimes, donc, elle doit revêtir une large acception.

Ces dernières années, la jurisprudence a élargi de plus en plus la notion de l’implication (Sorte de consécration de l’équivalence des conditions, dans un domaine où prévaut la causalité adéquate.) :

-         Distinction entre le contact qui impose l’implication : (Cass. Civ. 2ème, 25 janvier 1995, GAJC 11ème éd. n° 220-222 : « Est nécessairement impliqué tout véhicule qui a été heurté qu’il soit à l’arrêt ou en mouvement. » ;

-         Et l’absence de contact qui n’exclut pas l’implication :

o       Cass. Civ. 2ème, 11 avril 1986, JCP 1987, II n° 20672 : « L’absence de contact n’exclut pas nécessairement l’implication. » ;

o       Cass. Civ. 2ème, 18 mai 2000, RTD Civ. 2000, p. 853 :  implication d’un qui n’avait joué qu’un rôle indirect, dans la mesure où il s’était lancé à la poursuite d’une voiture, en lui faisant de nombreux appels de phare ;

o       Cass. Civ. 2ème, 13 juillet 2000, D. 2001, IR p. 225 : Véhicule dont le déclenchement de l’alarme a concouru à l’affolement de chevaux qui s’étant échappé et retrouvé, ont de nouveau été affolé par un camion de pompier et alors sont entrés en contact avec un véhicule ;

o       Cass. Civ. 2ème, 24 avril 2003, D. 2003, IR p. 1266 : une balayeuse municipale ayant fait trisser des gravillons sur un trottoir, un particulier sortant de chez lui est tombé sur ceux-ci. Une implication a été retenue, dans la mesure où le véhicule était intervenu, même s’il s’agissait de plusieurs heures avant la chute de la victime.)

-         Distinction entre implication et causalité : Notion autonome puisqu’en l’absence de lien de causalité entre la faute et le dommage, l’implication peut être reconnue. (Cass. Civ. 2ème, 11 avril 1986, JCP 1986, II n° 20672)

c) Circulation : Art. 1er de la loi : Extension du domaine de la circulation routière :

Puisque est un accident de la circulation, l’accrochage survenu dans un parking privé ou à l’intérieur d’une propriété privée : Cass. Civ. 2ème, 8 janvier 1992, RTD Civ 1992, p. 401

Et Cass. Civ. 2ème, 7 mai 2002 : Constitue un accident de la circulation, l’accrochage qui s’est produit sur le parking d’une entreprise.

Cependant n’est pas un lieu de circulation l’entrée d’un immeuble : Cass. Civ. 2ème, 26 juin 2003

d) Conducteur : Art. 2, 3, 4, 5 de la loi : Dématérialisation de la qualité de conducteur :

Cass. Civ. 2ème, 29 juin 2000,D. 2000, IR p. 226, JCP 2001, II n° 571, est venue opérer une dématérialisation de la qualité de conducteur : selon elle, un élève d’auto-école n’a pas la qualité de conducteur dés lors qu’il ne dispose pas des pouvoirs de commandement.

Cass. Civ. 2ème, 31 mai 2000, Bull n° 91 : Cependant prend la qualité de conducteur le passager qui se saisit du volant et appuie sur la jambe droit du conducteur afin d’accélérer le véhicule.

Les décisions rendues en cas d’éjection du véhicule viennent également confirmer le critère, puisqu’elles distinguent entre l’accident survenu au cours de l’éjection et celui survenu après la chute ou l’éjection :

Cass. Civ. 2ème, 28 mai 1986, JCP 1986, II n° 20692 ; Cass. Crim. 9 mars 2004, D. 2004, IR p. 1645 : N’est pas conducteur, le motocycliste gisant sur la chaussée à plusieurs mètres de sa moto.

Cass. Civ. 2ème, 4 octobre 1989, JCP 1991, II n° 21600 : Ne perd pas la qualité de conducteur celui qui tombe de son engin et vient, en glissant sur la chaussée heurter un véhicule

Cass. Civ. 2ème, 15 mai 1992, RTD Civ. 1992, p. 775 : Ne perd pas la qualité de conducteur celui qui lors d’une collision avec un camion est éjecté de sa voiture et écrasé par les roues du camion.

2) Des notions pré existantes réorientées pour une admission restrictive des causes d’exonération de responsabilité

a) L’article 2 de la loi du 5 juillet 1985 dispose que « les victimes, y compris les conducteurs, ne peuvent se voir opposer la force majeure ou le fait d’un tiers par le conducteur ou le gardien d’un véhicule mentionné à l’article 1er »

-         Si la victime n’a pas la qualité de conducteur : Dans ce cas, le conducteur ou le gardien du véhicule impliqué ne peut s’opposer au droit à indemnité de la victime, en invoquant l’existence de circonstances de force majeure ou le fait d’un tiers.

-         Si la victime est un conducteur : deux cas de figure peuvent se présenter :

o       Lorsque le droit du conducteur victime s’exerce à l’encontre  d’un autre conducteur.  Il s’agit là, de l’hypothèse la plus fréquente dans laquelle deux ou plusieurs véhicules sont impliqués et où chaque conducteur demande réparation à l’autre. Dans ce cas, pas de difficulté, application littérale de l’article 2 de la loi : l’un des conducteurs ou gardiens ne peut s’exonérer en démontrant l’existence d’un cas fortuit.

o       En revanche, il en va différemment lorsque le droit du conducteur victime s’exerce à l’encontre d’une personne n’ayant pas la qualité de conducteur. Par exemple, un automobiliste demande réparation de ses dommages à un cycliste qui a heurté son véhicule en ne respectant pas une priorité. Ici, la loi du 5 juillet 1985, est inapplicable puisque seuls les conducteurs peuvent être défendeur à une action aussi favorable pour les victimes. Le conducteur devra donc engager la responsabilité de l’auteur du dommage sur le fondement du droit commun. Ce dernier pourra alors opposer au conducteur la situation constitutive de force majeure.

b) La faute de la victime : (L’erreur inexcusable est empruntée au droit du Travail)

Conformément à la loi, il faut une fois de plus, distinguer selon que la victime est ou n’est pas, un conducteur de véhicule terrestre à moteur :

-         En ce qui concerne les victimes non-conductrices, la loi du 5 juillet 1985, dans ses articles 3 et 5, nous montre l’importance accordée à l’attitude fautive de la victime qui va rejaillir sur son droit à réparation. Alors que l’arrêt Desmares avait écarté le caractère partiellement exonératoire de la faute de la victime, la loi de 1985 retient la faute de la victime et prévoit une gradation de cette faute à l’image de ce qui existe en matière contractuelle concernant l’attitude du débiteur responsable.

§         Il y a d’abord la faute simple de l’article 5 qui exclut ou limite l’indemnisation des dommages aux biens.

§         La faute inexcusable qui exclu l’indemnisation du dommage corporel si elle est la cause exclusive de l’accident (article 3 al.1).

§         La faute commise de façon volontaire qui exclut, elle aussi, toute réparation lorsque la victime a volontairement recherché le dommage corporel qu’elle a subi (article 3 al.3).

Ces différentes notions de fautes ont provoqué de nombreuses discussions, notamment la faute inexcusable et la faute volontaire, qui sont depuis l’entrée en vigueur de la loi du 5 juillet 1985, les seules causes d’exonération de responsabilité en cas de dommage corporel.                  

c) Consentement / acceptation des risques :

Bien que la loi de 1985 soit favorable à la victime, des discriminations sont à noter, au détriment du conducteur. Parmi celles-ci, on peut noter la jurisprudence relative aux courses automobiles.

Cass. Civ. 2ème, 19 juin 2003  « Les dispositions de la loi du 5 juillet 1985 ne sont pas applicables entre concurrents d’une compétition sportive dans laquelle sont engagés des véhicules terrestres à moteur. »

Il s’agit de la transposition d’une jurisprudence dégagée à partir de l’article 1384 alinéa 1 du Code civil : la victime, participant à une course automobile, connaissait les règles inhérentes à cette épreuve et avait par-là même tacitement renoncé à invoquer contre un concurrent sa responsabilité.

Les auteurs se sont alors interrogés sur le maintien de cette solution sous l’empire de la loi de 1985, alors que celle-ci, selon la Haute Juridiction, est d’ordre public ; cette solution est d’autant plus regrettable que, parallèlement, la Cour de cassation applique les dispositions favorables de la loi aux dommages causés à des spectateurs, alors même que l’épreuve se déroulait sur un circuit fermé. Face à cette discrimination, la jurisprudence a parfois tenté de faire preuve d’équité à l’égard du conducteur, ce qui n’a pas été sans inconvénients pour la victime. Malgré l’objectif certain d’indemnisation des victimes, il apparaît difficilement compréhensible qu’une telle différence de traitement soit appliquée aux conducteurs : la jurisprudence, tout en reconnaissant qu’un accident impliquant un véhicule au cours d’une compétition est bien un accident de la circulation, refuse l’application de la loi de 1985 entre concurrents, et, à ce titre, crée une nouvelle exception contra legem.

Certaines juridictions ont invoqué que la loi de 1985 a pour but exclusif de protéger les victimes, tandis que d’autres se sont fondées sur l’absence de risque anormal. Cependant, on peut objecter au premier argument que, dès lors que l’accident est qualifié de la circulation, le juge ne peut opérer une distinction entre les victimes non prévue par la loi, et au second argument, qu’il s’agit d’un retour inexpliqué au droit commun de la responsabilité. Malgré le maintien de cette solution, les juges ont entendu, parfois, être plus favorables à l’auteur de l’accident.

3 juillet 2005

Mise en oeuvre de la responsabilité civile délictuelle

A.   L’indemnisation du dommage corporel

le droit civil doit assurer que le responsable du préjudice répare tout le préjudice subi par la victime afin de la replacer si possible dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable n'avait pas eu lieu (statu quo ante.) Sous cette réserve, on peut affirmer qu'elle a droit en principe, à une réparation intégrale, même si l'évaluation du préjudice est difficile.

1) En effet, concernant l’indemnisation de la victime directe, il faut distinguer d'une part les préjudices matériels attachés au corps de la victime et d'autre part les préjudices extra patrimoniaux à caractère moral et physiologique :

a) Les atteintes matérielles nées du préjudice corporel : La victime peut demander réparation de tous les préjudices patrimoniaux nés de l'atteinte corporelle. Il en est ainsi des frais engagés pour les soins dont elle a fait l'objet, entendue au sens large, c'est-à-dire chirurgicaux et pharmaceutiques, mais encore de transport, de séjour, éventuellement de rééducation et de prothèses. Le montant de l'indemnité allouée «  ne peut être réduit en cas d'assistance familiale, ni subordonnée à la production de justifications des dépenses effectives ».

L'indemnisation donne lieu à l'allocation d'un capital ou d'une rente. Les arrérages de celle-ci pouvant être affectés prioritairement au remboursement des frais d'hospitalisation au cas où celle-ci serait nécessaire (Cass. Crim., 30 mai 1989, RTD Civ 1990, p. 93).

Le demandeur peut ainsi être indemnisé des revenus perdus au jour du procès, mais aussi de toutes les pertes futures, lorsqu'une incapacité subsiste. Dans cette dernière hypothèse, l'évaluation du préjudice reste complexe. Le juge doit indemniser la victime, non sur la base de ses revenus au jour de l'accident, mais en tenant compte de ce qu'auraient été leurs évolutions, si elle avait continué à travailler.

b) Les atteintes morales nées du préjudice corporel : la victime peut également demander la réparation de tous les préjudices extra patrimoniaux étroitement attachés par leur nature même à la personne de la victime. Il peut s'agir  en premier lieu des souffrances endurées ou pretium doloris, correspondant à l'ensemble des souffrances morales et physiques subies par la victime du fait de l'atteinte à son intégrité physique.

Il s'agit en second lieu de la réparation du préjudice esthétique indemnisant la souffrance morale éprouvée par la victime du fait de l'atteinte à son apparence physique, dont les éventuelles conséquences professionnelles dans les métiers de la communication ou du spectacle restent à évaluer séparément en tant que préjudice économique. Son évaluation dépendra de la nature des lésions ainsi que de la condition du blessé.

Enfin, il s'agira du préjudice d'agrément. Ce dommage moral est lié à la perte des agréments de la vie. La jurisprudence avant un arrêt de 1978 (Cass. Crim., 14 juin 1978, Gaz. Pal. 1978, II n°550) indemnisait la seule perte d'une activité spécialement exercée par la victime avant l'accident.

Elle prend en compte depuis lors, la privation générale des agréments de la vie liée au handicap. Ainsi, on entend maintenant ce préjudice comme le déficit fonctionnel subi par la victime avec tous les troubles dans des conditions d'existence qui résultent de son handicap.

2) L'indemnisation des victimes indirectes : Il s'agira ici de l'indemnisation des victimes par ricochet. cependant, il est plus délicat d'apprécier le préjudice subi par les héritiers.

a) suite à une évolution, la Cour de Cassation, a fini par admettre l'indemnisation de la concubine (Cass. Ch. mixte, 27 février 1970, D. 1970, Jur. p. 201). Cela démontre qu'il n'est pas nécessaire que la victime par ricochet ait un lien de parenté avec la victime directe. Cependant, l'existence d'un tel lien ne débouche pas nécessairement sur l'indemnisation. Dans un arrêt (Cass. 2ème Civ., 29 janvier 1997, RTD Civ 1997, p. 955) une épouse ne s'est pas vue indemnisée du préjudice par ricochet du fait de sa séparation de fait avec la victime directe.

-         Concernant la réparation du préjudice matériel, la victime indirecte devra démontrer son préjudice. Cette victime percevra des dommages et intérêts différents selon que la victime directe est encore en vie où est seulement blessée.

Cette perte doit être réparée par le responsable de l'accident. L'évaluation de ce préjudice est appréciée par le juge qui prend en compte l'importance des revenus du défunt et la part que ce dernier consacrait à chaque victime par ricochet.

-         Concernant la réparation du préjudice moral ou d'affection, elle résulte de la souffrance causée par la perte d'un être cher ou de l'importante dégradation de son état physique. Ce préjudice est le plus souvent indemnisé dans l'hypothèse du décès de la victime principale. La jurisprudence le prend également en compte lorsque celle-ci est gravement handicapée, bien que ne cette hypothèse reste marginale (Cass. 2ème Civ., 22 octobre 1946, JCP 1946, II, 3365 ).

b) en cas de décès de la victime, la transmission successorale du patrimoine du de cujus à ses héritiers comprend en principe la transmission de tous les droits et actions comme de tous les biens.

-         en premier lieu, la transmissibilité successorale du droit à réparation de tous les préjudices personnels peut poser problème. La jurisprudence de la Cour de Cassation avait admis que lorsque le de cujus avait lui-même intenté l'action en réparation de son vivant, ses héritiers pouvaient la continuer après sa mort.

Plus récemment, elle a clairement affirmé le principe de la transmission successorale de l'action en réparation des préjudices moraux du de cujus, alors même que celui-ci n'avait pas encore introduit l'action en réparation (Cass. Ch. mixte, 30 avril 1976, Juris-data n° 1976-095136). Depuis, l'application de cette jurisprudence ne s'est jamais démentie, même pour le préjudice moral extra patrimonial et le préjudice d'affection d'une victime par ricochet elle-même décédée

-         En second lieu, la transmissibilité du préjudice extra patrimonial reste problématique. Le caractère extra patrimonial des préjudices est en principe strictement attaché à la personne. La seule victime peut en principe obtenir réparation et aucun héritier ne peut en obtenir une quelconque contrepartie. Cependant, dès lors que la victime directe a obtenu réparation, celle-ci tombe dans le patrimoine et sera effectivement transmise à titre successoral. Lorsque la victime directe décède sans avoir débuté d'action en réparation de ces préjudices extra patrimoniaux ou sans avoir introduit de demande amiable de son vivant, ses héritiers ne pourront engager cette action. Il y a véritablement une intransmissibilité successorale de l'action en réparation des dommages extra patrimoniaux. Ceci est justifié, dans la mesure où l'on accepte pas le fait que les héritiers s'enrichissent du malheur du de cujus. Seule une action en qualité de victime par ricochet pourrait réparer les préjudices moraux que ces proches auraient subis

3) L’influence du dommage corporel sur la validité des clauses exonératoires de responsabilité :

Sur le fondement de l’article 1150 du Code civil, (Cass. Civ. 1ère, 19 janvier 1982, D. 1982, Jur. p. 457, JCP 1984, II n° 20215) la jurisprudence ne prohibe pas les clauses limitatives ou exonératoires de responsabilité dans les contrats d’adhésion.

Cependant, il existe un débat doctrinal sur la licéité de telle clause en présence d’une limitation ou d’une exonération du dommage corporel. l'ordre public s'opposerait a priori à l’admission des clauses relatives à l'obligation de sécurité, pour lutter contre le but non dissimulé que certains ont de vouloir s'affranchir de tout paiement à titre d'indemnisation. La doctrine majoritaire s'oppose à la validité de ces clauses, parce que le corps humain est hors du commerce juridique, lorsqu'elles ont pour finalité de donner aux créanciers d'une obligation la possibilité de renoncer aux droits sur sa personne.

Et un arrêt (Cass. 1ère Civ., 29 juin 1989, Bull I, n° 265) paraît implicitement reconnaître la validité de ces clauses. En l’espèce, un participant à une régate réclamait à l'organisateur l'indemnisation de son dommage corporel. La première chambre civile a considéré que la clause de responsabilité stipulée au profit de ce dernier était efficace dans la mesure où le créancier n’apporte pas la preuve d'une faute lourde commise par le débiteur.

Même s'il n'existe que très peu d'arrêts en ce sens, il est loisible de penser qu'il serait trop rapide d'annoncer sous forme de principe que l'obligation de sécurité est exclusive de toute liberté contractuelle.

4) La prise en charge par l’état de la réparation de certains préjudices corporels :

(Renvoi vers l’indemnisation en matière médicale : Loi du 4 mars 2002, Loi du 30 décembre 2002 et Décret du 4 avril 2003)

il existe un certain nombre de fonds de garantie dont l'objet est l'indemnisation des victimes de dommages corporels. Le plus ancien est le fonds de garantie automobile (1951), renommé fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages depuis la loi sécurité financière du 1 août 2003.

Ainsi ont été créé le fonds de garantie des victimes du terrorisme (1986) et les victimes d'infractions, le fonds d'indemnisation des transfusés hémophiles pour les victimes contaminées par le virus du sida, qui probablement sera absorbé par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux créée par la loi du 4 mars 2002. La création de tous les fonds démontre l'absolue nécessité sociale de la protection des victimes de dommages corporels et relève l'anarchie de règles non harmonisées

A titre prospectif, la victime pourrait saisir un fonds unique chargé d'indemniser les principaux préjudices corporels. Ce fonds hériterait alors des compétences aujourd'hui éclatées entre les différents organismes et interviendrait en matière d'accidents de la circulation, de dommages liés à des infractions ou à des actes terroristes, de dommages liés à l'amiante ou d'accidents médicaux. La compétence de ce fonds intervenant subsidiairement à l'action directe du responsable ou au qu'en cas d'insolvabilité de celui-ci pourrait compter en dernier ressort à ce fonds unique de garantie.

B.   Problème de l’acceptation des risques

BICC n° 572, Conclusion de l’avocat général devant l’assemblée plénière lors des audiences du 13 décembre 2002 : Etat du droit

Comme on le sait (Cf. : S. Hocquet-Berg : "Vers la suppression de l'acceptation des risques en matière sportive ?" Resp. Civile et Assurances, septembre 2002, p. 4), en matière de sports et de jeux, la jurisprudence exige, pour que l'acceptation des risques puisse être retenue comme facteur d'exclusion ou d'atténuation de la responsabilité délictuelle (ou de la responsabilité contractuelle, le cas échéant), que soient réunis plusieurs critères :

a) Il faut, en premier lieu, qu'il y ait une participation réelle et volontaire à l'activité sportive ou ludique.

b) Il faut, en deuxième lieu, que les risques aient été acceptés en connaissance de cause. De ce fait, l'acceptation des risques ne peut pas s'appliquer, par exemple, à des handicapés mentaux. Mais, en revanche, la 2ème chambre civile a estimé que l'âge et la minorité de la victime étaient indifférents, dès lors que la victime était capable de discerner et donc d'apprécier les risques auxquels elle s'exposait, l'essentiel étant la capacité de discernement. (Cf. : en ce sens : cass. civ., 2°, 16 octobre 1968, Bull. n° 246 et 13 novembre 1981 - D. 1982, Som., p. 360.)

c) En troisième lieu, il faut que l'on soit en présence de risques "normaux" ou "normalement prévisibles", inhérents à l'activité sportive ou ludique concernée. A cet égard, la jurisprudence opère une distinction entre la faute "de jeu", normalement prévisible, et la faute "dans le jeu", qui exclut l'acceptation des risques et justifie l'engagement de la responsabilité de l'auteur, lorsque peuvent être reprochés à ce dernier des brutalités, une agressivité, une malveillance, une déloyauté constitutives d'une faute d'une certaine gravité, voire volontaire, ou même une imprudence blâmable. (Cf. : cass. civ., 2°, 20 novembre 1968, Bull. n° 277 ; 21 juin 1979, Bull. n° 196 ; 22 juin 1983, Bull. n° 135 ; 27 juin 1984, Bull. n° 123 ; 28 janvier 1987, Bull. n° 32 ; 5 décembre 1990, Bull. n° 258 ; 19 mars 1997, Bull. n° 88)

Par ailleurs, certains arrêts considèrent que le caractère anormal du risque doit s'apprécier, non seulement au regard des risques prévisibles et inhérents au jeu concerné, mais aussi au regard de la gravité des conséquences dommageables subies par la victime. (Cf. : cass. civ., 2°, 8 mars 1995, Bull. n° 83. Selon cet arrêt, "si les membres de l'équipage (skippers dans une régate) avaient accepté les risques normaux et prévisibles d'une compétition en mer, ils n'avaient pas pour autant accepté le risque de mort qui, dans les circonstances de la cause, constituait un risque anormal".)

d) En quatrième lieu, il est ajouté, en général, que l'acceptation des risques n'est prise en compte que lorsque l'accident corporel se produit dans le cadre d'une compétition sportive réglementée, dans laquelle les règles du jeu ont été établies à l'avance, à l'exclusion de jeux improvisés sans règles définies. (Cf. : cass. civ., 2°, 5 juin 1985, Bull. n° 114 ; 28 janvier 1987, Bull. n° 32 ; 9 juillet 1987, Bull. n° 112 ; 10 avril 1991, Bull. n° 121 ; 8 mars 1995, Bull. n° 83 ; 22 mars 1995, Bull. n° 99 ; 19 mars 1997, Bull. n° 88 et JCP 1997-4-1035 ; cass. 1° chambre civile, 15 juillet 1999, Bull. n° 251 & cass. civ., 2° chambre, 3 février 2000, Bull. n° 26. ) La deuxième chambre civile vient de le rappeler encore dans un arrêt du 28 mars 2002 (Bull. civ., II, n° 67), à propos de l'application de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil.

L'examen de la jurisprudence dominante révèle, en effet, que l'acceptation des risques est appliquée de manière assez restrictive et le plus souvent dans le cas de compétitions sportives officielles, en y incluant cependant la phase d'entraînement ou d'échauffement. (Cf. : cass. civ., 2°, 10 avril 1991, Bull. n° 121 & 5 juin 1985, Bull. n° 114.)

Mais si le terrain de prédilection de l'acceptation des risques est celui des sports et des jeux dangereux, la Cour de cassation n'a pas, pour autant, renoncé à l'appliquer dans certains cas hors compétition.

Ainsi, dans un arrêt du 15 avril 1999 (Bull. civ., II, n° 76), la 2ème chambre civile de la Cour de cassation a retenu l'acceptation des risques de la part d'un cavalier en promenade dans une manade de Camargue, qui avait été jeté à terre et blessé après que son cheval se soit brusquement cabré à la vue d'un taureau. Pour justifier sa décision, la 2ème chambre civile a énoncé que le cavalier, "habitué de cette manade où il faisait régulièrement des promenades à cheval et où vivaient en liberté des taureaux, avait accepté par avance le risque normal de voir un taureau effrayer sa monture et provoquer sa chute".

Dans un sens similaire, est également cité un arrêt de la 2ème chambre civile du 13 novembre 1981(Cf. : cass. civ., 2°, 13 novembre 1981, Dalloz 1982, som. commentés, p. 360.), qui a fait état de l'acceptation des risques à l'occasion d'un accident de luge mettant en cause des enfants qui s'amusaient et ne participaient donc apparemment à aucune compétition.

Dans un autre arrêt du 22 juillet 1985, la 1ère chambre civile de la Cour de cassation (Bull. civ., 1, n° 232) a retenu l'acceptation des risques de la part d'élèves d'un externat qui, chahutant ensemble et se provocant mutuellement, avaient pris le risque de subir une riposte brutale.

On notera d'ailleurs que, dans certaines de ces décisions, l'acceptation des risques s'apparente à un autre cas d'exonération ou d'atténuation de la responsabilité civile : celui de la faute de la victime (faute d'imprudence) (Cf. : cass. civ., 2°, 24 janvier 1964, Gaz. Pal. 1964, p. 384), dont la jurisprudence considère qu'elle peut conduire, soit à une atténuation de la responsabilité de l'auteur du dommage et à un partage des responsabilités, soit à une exonération de la responsabilité de l'auteur, en particulier pour les parents lorsque la faute de la victime présente les caractères de la force majeure. (Cf. : cass. civ., 1°, avril 1999 & chronique Hubert Groutel, Editions du jurisclasseur, responsabilité civile et assurances, juillet-août 1999, p. 4 et 5.)

Actualité jurisprudentielle :

Sur la condition d’une compétition sportive :

Cass. Civ. 2ème, 4 juillet 2002, D. 2003, Jur. p. 519 : L’absence d’organisation d’une compétition est exclusive de l’acceptation des risques

« La participation d’un enfant à une activité pédagogique sous l’autorité et la surveillance d’un moniteur exclue l’acceptation des risques pour une enfant. Et cela même, si celle-ci avait assez de discernement pour apprécier les risques découlant d’un sport aussi commun que le football. »

Une nature incertaine : L’acceptation des risques est quelque fois confondue avec la faute de la victime, dés lors elle prend véritablement ses lettres de noblesse lorsqu’il ne peut être reproché de faute à cette dernière.

C’est alors une sorte de convention tacite de non responsabilité, une sorte de limitation implicite de son recours à la responsabilité de plein droit, cependant la validité serait alors sujette à incertitudes puisque l’on sait que certaines convention limitative ou exonératoire de responsabilité sont nulles dés lors qu’elles concernent les atteintes au corps.

Certains auteurs mettent cependant l’accent sur une sorte de particularisme sportif, ce serait indirectement « une sorte de pardon anticipé et obligatoire envers ses partenaires de jeu. »

Un domaine restreint : Les conditions sont déjà connues… Un risque normal résultant d’une faute de jeu et non contre le jeu, et pouvant être raisonnablement envisagé par la victime à l’occasion du sport pratiqué.

Une application restreinte car c’est seulement dans le cadre des compétitions que la théorie peut fonctionner. La Cour de cassation refuse la position de la Cour d’appel sur ce point. Cette dernière affirmant que la notion n’est pas réservée à la compétition car elle s’applique aussi dans les activités ludiques.

Critiques de la théorie selon la note qui est arbitraire et inutile : Arbitraire car la distinction entre compétition et hors compétition est infondée, et que la jurisprudence se montre laxiste à l’égard de l’acceptation puisque seules les victimes frappées d’un handicap mental échappent à l’acceptation des risques. Inutile enfin car d’une part l’article 37 de la loi du 16 juillet 1984 impose aux groupements sportifs de souscrire une assurance pour ses adhérents, et d’autre part parce que désormais l’acceptation des risques a été progressivement écartée face à une victime d’un accident lors d’un transport bénévole.

Cass. Civ. 2ème, 28 mars 2002, D. 2002, Jur. p. 3237 : L’absence d’organisation d’une compétition est exclusive de l’acceptation des risques

« Ne donne pas de base légale à sa décision au regard de l’article 1384 alinéa 1er, la Cour d’appel qui retient qu’en participant à un jeu collectif improvisé, s’inspirant du base-ball, la victime a accepté les risques qu’il comportait, alors qu’elle constate par ailleurs, que le dommage s’est produit à l’occasion d’un jeu improvisé par des mineurs et non dans le cadre d’une compétition sportive. »

D’autre part l’arrêt est important car il retient que la garde en commun d’une balle projetée à l’aide d’une raquette excluait le droit pour la victime de demander réparation sur le fondement de l’article 1384 alinéa 1er, tout en constatant que la balle de tennis avait été projetée vers la victime par le moyen d’une raquette dont le mineur avait alors l’usage, la direction et le contrôle, ce dont il résulte que la raquette avait été l’instrument du dommage.

En effet, rien n’interdisait de retenir les enfants gardiens en commun, mais encore fallait-il savoir quel était l’instrument du dommage.

Cass. Civ. 2ème, 19 juin 2003 : Coexistence entre la loi du 5 juillet 1985 et la théorie de l’acceptation des risques

  « Les dispositions de la loi du 5 juillet 1985 ne sont pas applicables entre concurrents d’une compétition sportive dans laquelle sont engagés des véhicules terrestres à moteur. »

Bien que la loi de 1985 soit favorable à la victime, des discriminations sont à noter, au détriment du conducteur. Parmi celles-ci, on peut noter la jurisprudence relative aux courses automobiles.

Il s’agit de la transposition d’une jurisprudence dégagée à partir de l’article 1384 alinéa 1 du Code civil : la victime, participant à une course automobile, connaissait les règles inhérentes à cette épreuve et avait par-là même tacitement renoncé à invoquer contre un concurrent sa responsabilité.

Les auteurs se sont alors interrogés sur le maintien de cette solution sous l’empire de la loi de 1985, alors que celle-ci, selon la Haute Juridiction, est d’ordre public ; cette solution est d’autant plus regrettable que, parallèlement, la Cour de cassation applique les dispositions favorables de la loi aux dommages causés à des spectateurs, alors même que l’épreuve se déroulait sur un circuit fermé. Face à cette discrimination, la jurisprudence a parfois tenté de faire preuve d’équité à l’égard du conducteur, ce qui n’a pas été sans inconvénients pour la victime. Malgré l’objectif certain d’indemnisation des victimes, il apparaît difficilement compréhensible qu’une telle différence de traitement soit appliquée aux conducteurs : la jurisprudence, tout en reconnaissant qu’un accident impliquant un véhicule au cours d’une compétition est bien un accident de la circulation, refuse l’application de la loi de 1985 entre concurrents, et, à ce titre, crée une nouvelle exception contra legem.

Certaines juridictions ont invoqué que la loi de 1985 a pour but exclusif de protéger les victimes, tandis que d’autres se sont fondées sur l’absence de risque anormal. Cependant, on peut objecter au premier argument que, dès lors que l’accident est qualifié de la circulation, le juge ne peut opérer une distinction entre les victimes non prévue par la loi, et au second argument, qu’il s’agit d’un retour inexpliqué au droit commun de la responsabilité. Malgré le maintien de cette solution, les juges ont entendu, parfois, être plus favorables à l’auteur de l’accident.

C.   La force majeure

Cass. Civ. 2ème, 23 janvier 2003, D. 2003, jur. p. 2465 : La place de la condition d’imprévisibilité dans l’établissement de la force majeure

« Après avoir relevé que le système de fermeture des portes du train rend possible la descente d’un voyageur pendant un court laps de temps entre 5 et 6 secondes suivant le départ et le moment où le train parvient à une vitesse de 7 km/h, une Cour d’appel retient que le fait pour la victime d’être descendue du train en marche ne constitue pas pour la SNCF un fait imprévisible qui compte tenu du système mis en place demeure possible, bien que dangereux et en déduit justement que la SNCF n’est pas totalement exonérée de sa responsabilité. »

Rares sont les décisions qui aujourd’hui font référence aux trois conditions de la force majeure (Cf. Cependant Cass. Civ. 2ème, 1 avril 1999, D. 1999, IR p. 118) puisque c’est selon certains auteurs l’irrésistibilité qui doit être reconnu comme le véritable critère de la force majeure.

La décision apprécie la possibilité pour celui qui s’en prévaut d’agir sur l’évènement, d’anticiper sa présence ou ses effets afin de l’éviter. La Cour de cassation requiert donc la condition d’imprévisibilité lorsque la prévision de l’évènement peut permettre soit de l’éviter, soit d’en neutraliser les effets.

J. MOURY, « Force majeure : éloge de la sobriété », RTDCiv. 2004, p. 471 : L’abandon des trois conditions classiques de la force majeure

Distinction traditionnelle entre la force majeure et le cas fortuit à partir du 20ème siècle :

D’une part, c’est la condition d’extériorité qui la fonde. A la force majeure, correspond l’évènement extérieur au débiteur. Au cas fortuit renvoie l’obstacle d’origine interne (JOSSERAND présentait le cas fortuit comme désignant « l’origine externe de l’obstacle qui a empêché l’exécution de l’obligation. »)

D’autre part, c’est la différence de domaine d’application. Le cas fortuit existe dans le droit des contrats, alors que la force majeure irrigue tout le droit de la responsabilité.

Selon l’auteur, seule l’irrésistibilité est une donnée objective permanente de la force majeure :

La force majeure oblitère la relation de cause à effet entre le fait et l’inexécution ou la production du dommage pour en absorber entièrement la causalité. L’exonération du débiteur réside alors dans cette causalité qu’occupe alors, seul, l’évènement invoqué.

« Or ce n’est pas parce que l’évènement aura été imprévisible ou extérieur à la sphère de contrôle du débiteur ou du gardien, que cette commutation s’opèrera, mais bien parce qu’il aura eu pour effet de faire obstacle à l’exécution ou de produire le dommage. »

Selon l’auteur,  l’irrésistibilité est le critère exclusif de qualification de la force majeure :

D.   Le droit à réparation des victimes par ricochet

Cass. Civ. 2ème, 23 octobre 2003, JCP 2004, II n° 10187 : Victime indirecte et action en responsabilité délictuelle

« La victime par ricochet d’un accident relevant de la responsabilité contractuelle dispose d’une action en responsabilité délictuelle pour obtenir réparation de son préjudice. »

Par cette décision visant, les articles 1165 et 1384 du Code civil, la Cour de cassation ouvre largement le droit à réparation des victimes par ricochet.

E.   Les difficultés inhérentes à la précaution en droit civil

CA Bordeaux, 26 octobre 2004, RCA 2005, Comm. n° 3

« En édifiant un pylône de radiotéléphonie, la Société Française de Téléphonie n’a pas commis de faute pour avoir enfreint le principe de précaution. »

En l’espèce, les demandeurs s’étaient fondés sur l’article 1382 du Code civil, sur la théorie des troubles anormaux du voisinage et sur le principe de précaution pour demander réparation du fait de la dangerosité pour la santé des ondes émises.

La Cour d’appel rejette l’action en réparation du préjudice du fait du caractère hypothétique de celui-ci. En comparaison avec l’affaire de la Cour d’appel d’Aix, la réparation du préjudice semble plus difficile à obtenir que le déplacement de l’antenne du fait de certains troubles médicaux existants. (Cf. CA Aix-en-Provence, 8 juin 2004, D. 2004, Jur. p. 2678, RTD Civ. 2005, p. 146 : « Une commune qui ne peut garantir aux usagers de son bâtiment scolaire l’absence de risques sanitaires liés au voisinage de l’antenne de type 900 MHz, subit un trouble qui excède les inconvénients normaux de voisinage et se trouve fondée à obtenir qu’il y soit mis fin. »)

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Réflexions Juridiques
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