A. La nature de la responsabilité médicale :
1) Une responsabilité médicale contractuelle et pour faute :
Initialement de nature délictuelle (Cass. Req. 18 juin 1835), la responsabilité du médecin est désormais issu du contrat médical :
Cass. Civ. 20 mai 1936, Arrêt Mercier, GAJC, 11ème éd. n° 161-162 ; DP 1936, I p. 88 : « Il se forme entre le médecin et son patient un véritable contrat comportant pour le praticien l’engagement de donner des soins attentifs, consciencieux et, sous réserve faite de circonstances exceptionnelles, conformes aux données acquises de la science ; la violation même involontaire de cette obligation contractuelle est sanctionnée par une responsabilité de même nature, également contractuelle. »
La loi du 4 mars 2002 a quant a-elle inséré un article L. 1142-1 CSP :
I) Sauf utilisation d’un produit, les professionnels ne sont responsables que pour faute des conséquences dommageables des actes de prévention, de diagnostic ou de soins. (al. 1) Les établissements de santé sont responsables quant à eux en cas d’infection nosocomiale sauf preuve d’une cause étrangère. (al. 2)
II) En cas d’aléa thérapeutique (accident médical, affection iatrogène) ou infection nosocomiale et en l’absence d’une responsabilité engagée, un droit à réparation existe au titre de la solidarité nationale, si :
- Les dommages sont imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins
- S’ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé et de son évolution prévisible
- S’ils présentent un caractère de gravité fixé par décret.
L’exigence d’une faute a encore été rappelée récemment par Cass. Civ. 1ère, 4 janvier 2005, D. 2005, IR, p. 170, JCP 2005, II n° 10061 : « La responsabilité du médecin est subordonnée à la preuve d’une faute commise dans l’accomplissement de l’acte médical. » En l’espèce par exemple, la faute existait (en effet, l’intubation du patient ne peut conduire à lui occasionner un bris de dents : la maladresse est donc patente) mais elle était en réalité justifiée par des considérations de fait (l’urgence et le contexte vital dans lesquels le médecin a du pratiquer cet acte) (Cf. JCP 2005)
Il y a donc exigence d’un échange de volontés. Ainsi en l’absence de consentement exigé par les articles 1111-4 CSP et 16-3 du Code civil, la nature de la relation entre le patient et son médecin perd son caractère contractuel.
Autres exemples de changement de nature de la responsabilité médicale :
- Les hypothèses d’hospitalisation dans le service public hospitalier : Puisqu’en l’absence de faute détachable des fonctions, le médecin n’est pas responsable alors que l’état assure l’indemnisation.
- Les hypothèses d’action en responsabilité à l’encontre du médecin salarié d’un établissement privé qui est seul tenu au contrat d’hospitalisation : Cf. infra sur l’indépendance professionnelle du médecin et l’action en responsabilité délictuelle à laquelle il est exposée.
- La médecine du travail ou de la sécurité sociale, qui exercée dans un cadre réglementaire évince la responsabilité contractuelle.
- La stipulation pour autrui qui fut avancée et reconnue en matière de transfusion sanguine
- La gestion d’affaire qui ne permet au praticien que le recouvrement de ses honoraires.
- La faute déontologique qui engage sa responsabilité disciplinaire devant les instances ordinales et cela même après le décès du patient CE, 2 juillet 1993, D. 1994, jur. p. 74, JCP 1993, II n°22133 : « Les principes déontologiques fondamentaux relatifs au respect de la personne humaine, qui s’imposent au médecin dans ses rapports avec son patient ne cessent pas de s’appliquer avec la mort de celui-ci. »
- La faute pénale qui peut engager sa responsabilité pénale dans le cadre des dispositions de la loi du 10 juillet 2000 en ce qui concerne les infractions non intentionnelles.
2) L’arrêt Mercier pose le principe général d’une responsabilité pour faute, c’est ainsi à une obligation générale de moyens que le praticien est tenu, cependant dans certains domaines, la jurisprudence a reconnu un renforcement de l’obligation.
a) Tout d’abord, Il est possible de distinguer les fautes contre la science, et les fautes contre la conscience :
Cependant la jurisprudence reconnaît aussi que la maladresse, l’imprudence engagent la responsabilité du praticien (Cass. Civ. 1ère, 7 janvier 1997, D. 1997, Jur. p. 189 ; Cass. Civ. 1ère, 13 octobre 1999, JCP 2000, II n° 10270 ; Cass. Civ. 1ère, 9 avril 2002, RTD Civ. 2002, p. 516) puisqu’elles sont exclusives de la notion de risque médical. (Cass. Civ. 1ère, 30 septembre 1997, JCP 1998, I n° 144, esp. n° 21).
La faute contre la science la plus évidente est l’erreur de diagnostic :
Il faut distinguer aussi entre le diagnostic évident qui engage toute erreur médicale et le diagnostic délicat pour lequel une simple erreur médicale n’est pas constitutive d’une faute. (Cf. CA Lyon, 11 mars 1999, et 13 juin 2002, Juris-data n° 040165 et 184826)
De plus, la persistance dans un diagnostic erroné malgré l’avis d’autres praticiens est lui aussi constitutif d’une faute.
Il faut d’autre part prouver un lien de causalité : Cass. Civ., 4 novembre 2003, Bull. n° 224 : « S’il n’est pas établi que des soins administrés à temps eussent guéri le patient, l’absence ou le retard fautifs de diagnostic ou de traitement d’une affection ne peuvent être indemnisés qu’au titre de la perte de chance » C’est la perte de chance, seule qui constituait le dommage, et elle seule devait être indemnisée.
Cependant cette preuve est facilitée pour la victime : La faute pourra être exclue s’il est démontré par le praticien que la partie atteinte présentait une anomalie rendant cette atteinte inévitable. (Cass. Civ. 1ère, 23 mai 2000, D. 2000, IR p.183 et 192, JCP 2000, I n° 280 esp. n° 12 : puisque « sa faute ne peut être écartée sans la constatation d’une anomalie chez le patient rendant l’atteinte au corps inévitable. »)
b) Concernant d’autre part l’utilisation de certains matériels ou produits :
- Pour ce qui est des prothèses, des tables d’examen, de radiologie aux fins d’exécution d’un acte de médical d’investigation ou de soins :
La jurisprudence considère que l’obligation qui est mise à la charge du médecin en vertu du contrat de soin et sans préjudice de son recours en garantie, est une obligation de sécurité de résultat. « Le contrat formé entre le patient et son médecin met à la charge de ce dernier, sans préjudice de son recours en garantie, une obligation de sécurité de résultat en ce qui concerne les matériels qu’il utilise pour l’exécution d’un acte médical » (Cass. Civ. 1ère, 9 novembre 1999, D. 2000, Jur. p. 117, JCP 2000, II n° 10251, Defrénois 2000, p. 251 par Mazeaud) Conformité de cette jurisprudence avec l’article 221-1 du Code de la consommation
Par cette jurisprudence, on doit donc distinguer, le matériel utilisé et l’exécution de l’acte médical. Les termes de l’arrêt de 1999 semblent assez clairs : « en ce qui concerne les matériels », « qu’il utilise pour l’exécution d’un acte médical ». Dans une décision récente, (Cass. Civ. 1ère, 4 janvier 2005, D. 2005, IR, p. 170, JCP 2005, II n° 10061) la Cour de cassation semble avoir posé de nouveau cette exigence de principe. Concernant une intubation par exemple, la manœuvre est soumise à une obligation de moyens : « à défaut de retenir la mauvaise exécution de l’intubation », cassation de l’arrêt qui retient que « le médecin anesthésiste a failli à l’obligation de sécurité à laquelle il est tenu envers le patient accessoirement à son obligation de moyens. »
Sur la jurisprudence des prothèses, une distinction doit être faite entre la pose de la prothèse qui reste soumise à une obligation de moyens (Cass. Civ. 1ère, 10 juillet 1997, D. 1997, Somm. p. 316) et la prothèse elle-même qui impose une obligation de sécurité résultat à la charge du praticien. (Cass. Civ. 1ère, 4 février 2003, Bull n° 40, D. 2004, Somm. p. 600)
D’autre part, l’obligation de sécurité (de livrer un produit exempt de tout vice), inclue la conception et la confection de la prothèse. (Cass. Civ. 1ère, 23 novembre 2004, D. 2005, IR p. 17 : « Le chirurgien dentiste est, en vertu du contrat le liant à son patient, tenu de lui fournir un appareillage apte à rendre le service qu’il peut légitimement en attendre, une telle obligation, incluant la conception et la confection de cet appareillage, étant de résultat »)
Le médecin doit répondre du fait du produit ou de l’instrument qu’il utilise, ou qu’il conçoit, alors même qu’il ignorait le défaut ou qu’il aurait procédé à des vérifications.
- L’établissement de soins peut aussi être tenu comme responsable d’une obligation de sécurité résultat en ce qui concerne les produits tels les médicaments qu’il fournit. (Cass. Civ. 1ère, 7 novembre 2000, Defrénois 2001, p. 268 Savaux) :
L’article 1142-1 CSP prévoit une éviction du régime de responsabilité pour faute. Il faut s’interroger sur une articulation entre le droit commun de la responsabilité des produits (Responsabilité objective du fait des produits défectueux issue des articles 1386-1 et s. du Code civil) et la jurisprudence ayant découvert une obligation de sécurité de résultat (sur fondement des articles 1382 et 1147 du Code civil).
La question se pose concernant une éventuelle option entre le régime issu de la jurisprudence française et celui issu de la directive sur les produits défectueux. (Ex. TGI Nanterre, 17 décembre 2004) (Cf . infra Conclusion)
- Sur le problème des vaccinations :
Cass. Civ.1ère, 23 septembre 2003, JCP 2003, II n° 10179, D. 2003, IR p. 2413, RTD Civ. 2003, p. 101 : « La responsabilité du producteur est soumise à la condition que le demandeur prouve, outre le dommage, le défaut du produit et le lien de causalité entre le défaut et le dommage ; Viole les articles 1147 et 1382 du Code civil interprétés à la lumière de la directive CE du 25 juillet 1985, la Cour d’appel qui pour retenir la responsabilité du fabricant d’un vaccin contre l’hépatite B, après avoir constaté que l’étiologie de la sclérose en plaques était inconnue et que ni les expertises ni les études scientifiques ne concluaient à l’existence d’une association entre la vaccination et la maladie, relève que la possibilité d’une telle association ne peut être exclue de façon certaine, qu’il n’y a aucune autre cause de déclenchement de la maladie, et que la maladie développée établit un absence de sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre et démontre la défectuosité du produit, sans tirer les conséquences légales de ses constatations desquelles il résultait que le défaut du vaccin comme lien de causalité entre la vaccination et la maladie ne pouvaient être établis. »
La Cour de cassation cassa l’arrêt de la Cour d’appel de Versailles qui avait constaté l’absence de preuve scientifique certaine de l’imputation de la maladie à la vaccination contre l’hépatite B, mais qui avait condamné le laboratoire sur le fondement du risque non exclu de développement de la maladie.
Selon la Cour de cassation, le lien de causalité entre la vaccination contre l’hépatite B et la sclérose en plaques ne pouvant être établis, la Cour d’appel n’a dés lors pas tiré les conséquences légales de ses constatations.
La situation des personnes vaccinées contre l’hépatite B est complètement différente de celle des transfusés malades du SIDA ou de l’hépatite C pour lesquels la Cour de cassation a fini par poser une présomption de droit dés lors que le vice est prouvé et qu’il est acquis que ce vice expose objectivement les receveurs.
Pour les vaccinés contre l’hépatite B, le risque demeure à l’heure actuelle trop hypothétique pour pouvoir présumer le dommage.
- Concernant le problème du sang contaminé :
La jurisprudence (Cass. Civ. 1ère, 12 avril 1995, BICC 1er juillet 1995, JCP 1995, II n° 22467 ; Cass. Civ. 1ère 13 février 2001, JCP 2002, II n° 10099) considère que les CTS, centres de transfusions sanguines, sont tenus d’une responsabilité sans faute. (« Les CTS tenus de fournir aux receveurs des produits exempts de vices, ils ne peuvent s’exonérer de cette obligation que par la preuve d’une cause étrangère qui ne puisse leur être imputée. »)
Et que la transmission du VIH, vice indécelable à l’époque ne peut être caractérisé comme une cause étrangère (Sachant que « le vice interne du sang, même indécelable ne constitue pas pour l’organisme fournisseur une cause qui lui est étrangère, et les obligations des centres quant à la conservation du sang et à sa délivrance, dont ils ont le monopole ne les dispensent pas de réparer les conséquences dommageables dues à la fourniture de sang nocif. »)
Les cliniques ne sont donc tenues que d’une obligation de moyen quant au contrôle du sang car ce sont les CTS qui avaient une sorte de monopole réglementaire. (« Les juges ne peuvent retenir la responsabilité d’une clinique à raison de la fourniture de produits sanguins viciés sans rechercher si celle-ci tenue d’une simple obligation de prudence et de diligence dans la fourniture de produits sanguins livrés par un centre de transfusion avait la possibilité de contrôler la qualité du sang transfusé. »)
Conclusion sur l’utilisation de produits : Problème sur la complémentarité avec les dispositions de la loi du 19 mai 1998 intégrant la directive de 1985 sur les produits défectueux, puisque l’article 1386-2 du code civil affirme que le domaine d’application de cette loi concerne la réparation de tout dommage causé par un produit portant « atteinte à la personne ou à un bien autre que le produit. »
En premier lieu, ce régime semble plus difficile à mettre en œuvre que la responsabilité contractuelle du médecin grâce à l’obligation de sécurité résultat lors de l’utilisation d’un produit médical.
Tout d’abord il ne peut être appliqué qu’à l’encontre du producteur qui bien qu’entendu largement ne semble pas concerner le médecin libéral, puisque les articles 1386-6 et 7 du Code civil : Est producteur : le fabricant d’un produit fini, le producteur d’une matière première, le fabricant d’une partie composante ; Est assimilé la personne apposant son nom, sa marque ou un autre signe distinctif ; important le produit dans la CE. (Seul intérêt, l’action des établissements privés ou le médecin transplanteur.)
Ensuite, il est nécessaire de prouver « le dommage, le défaut, et le lien de causalité » (art. 1386-9) mais surtout le droit commun de la responsabilité contractuelle ne connaît aucune limitation sur le risque de développement qui est limité dans la responsabilité des produits défectueux. (art. 1386-11 4° : « Le producteur est responsable de plein droit à moins qu’il ne prouve : Que l’état des connaissances scientifiques et techniques, au moment où il a mis le produit en circulation n’a pas permis de déceler l’existence du défaut. »)
En second lieu, en cas d’option entre les deux régimes, il faudra prendre en considération le droit nouveau issu d’une interprétation de la CJCE du 25 avril 2002 (CJCE, 25 avril 2002, D. 2002, Jur. p. 2458 et 2462) : Le droit commun des états pouvait se trouver limité ou restreint par les dispositions de la directive du 25 juillet 1985 lorsqu’il repose sur le même fondement que celui-ci. (Tel est précisément le cas de l’obligation de sécurité résultat.)
Dés lors, si à l’avenir il y a application de cette décision : seule la responsabilité spéciale des articles 1386-1 et s. du Code civil serait applicable à un dommage causé par la défectuosité d’un produit de santé.
Une loi récente, (Loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004, Cf. RCA 2005, focus n° 3) est venue toiletter les articles du Code civil concernant la responsabilité issue de la directive, afin de prendre en considération les exigences de la CJCE (CJCE, 25 avril 2002, D. 2002, Jur. p. 2458 et 2462)
- Article 1386-2 Code civil : Instauration d’une franchise en cas d’atteinte à un bien autre que le produit défectueux lui-même
- Article 1386-7 Code civil : Affirmation du caractère subsidiaire de la responsabilité sans faute du distributeur, vendeur ou fournisseur professionnel, qui ne peut être recherchée qu’en l’absence d’identification du fabricant.
- Article 1386-12 Code civil : Disparition de la référence au respect d’une obligation de suivi pour le professionnel qui veut se prévaloir du risque de développement ou du respect des normes impératives pour s’exonérer.
c) Concernant les infections nosocomiales, la jurisprudence s’écartait là aussi de la responsabilité pour faute.
Antérieurement à la loi du 4 mars 2002 :
La jurisprudence administrative la première devait découvrir un système avantageux pour les victimes en cas d’infections nosocomiales dans le secteur public. (Cf. CE, 12 février 1954, Rec., p. 102 : Présomption de faute ; CE, 9 décembre 1998, Cohen, D. 1990, Jur. p. 487 : « Alors qu’il résulte des constatations des experts qu’aucune faute lourde médicale, notamment en matière d’asepsie, ne peut être reprochée aux praticiens qui ont exécuté cet examen et cette intervention, que le fait qu’une telle infection ait pu néanmoins se produire révèle une faute dans l’organisation ou le fonctionnement du service hospitalier à qui il incombe de fournir au personnel médical un matériel et des produits stériles. »)
La jurisprudence civile, sur l’infection nosocomiale dans les cliniques privées a adopté un régime de présomption de faute que bien plus tard. (Cf. Cass. Civ. 1ère, 21 mai 1996, JCP 1996, I n° 3986 preuve d’une absence de faute était cependant encore possible. Cependant Cass. Civ. 1ère, 29 juin 1999, GAJC 11ème, éd. n° 161-162, D. 1999, Jur. p. 559 : « Un médecin est tenu vis-à-vis de son patient en matière d’infection nosocomiale d’une obligation de sécurité de résultat dont il ne peut se libérer qu’en rapportant la preuve d’une cause étrangère. ») Confirmation de cette jurisprudence dans le cas d’une infection en cabinet privé (Cass. Civ. 1ère, 13 février 2001, D. 2001, Somm. p. 3083)
Seule exigence de la Cour de cassation, le patient devait apporter la preuve du caractère nosocomial de l’infection. (Cass. Civ. 1ère, 27 mars 2001, D. 2001, IR p. 1284)
Désormais avec la loi du 4 mars 2002 :
L. 1142-1 CSP consacre la jurisprudence antérieure concernant les établissements de santé puisqu’ils sont responsables sauf preuve d’une cause étrangère. (al. 2)
En revanche n’est pas reprise la solution concernant les praticiens exerçant à titre libéral puisque eux ne sont responsables que pour faute.
Cependant en l’absence d’une responsabilité engagée, un droit à réparation existe au titre de la solidarité nationale, si :
- Les dommages sont imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins
- S’ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé et de son évolution prévisible
- S’ils présentent un caractère de gravité fixé par décret.
3) Sur la formation des praticiens :
Les articles 11 (« Tout médecin doit entretenir et perfectionner ses connaissances ; il doit prendre toutes dispositions nécessaires pour participer à des actions de formation continue. ») et 32 du Code de déontologie (« Le médecin s’engage à assurer personnellement des soins consciencieux, dévoués et fondés sur les données acquises de la science, en faisant appel s’il y a lieu à l’aide de tiers compétents »), L. 1110-5 CSP (Le patient a le droit de « recevoir les soins les plus appropriés et de bénéficier des thérapeutiques dont l’efficacité est reconnue et qui garantissent la meilleure sécurité sanitaire au regard des connaissances médicales avérée. ») et la jurisprudence (Cass. Civ. 1ère, 6 juin 2000, JCP 2001, II n° 10447 : Référence aux données acquises à la date des soins et opposition aux données actuelles) imposent au médecin de réinitialiser ses connaissances. Cette obligation est sanctionnée sur les plans civils et disciplinaires. L’appréciation des données acquises est établie à la date des soins. La connaissance de l’état des recherches influe sur l’information que doit fournir le praticien.
4) La relation entre patient et établissements privés :
C’est ici le contrat d’hospitalisation, qui définit la nature de la responsabilité comme étant contractuelle (Cass. Civ. 6 mars 1945, D. 1945, Jur. p.217.)
Ce contrat lie le patient et l’établissement, si le médecin est salarié de l’établissement ; ce n’est pas le cas si le médecin exerce à titre libéral dans l’établissement. (Cass. Civ. 1ère, 4 juin 1991, JCP 1991, II n° 21730)
Concernant les professions médicales salariées, la jurisprudence a évolué :
- Première étape : le refus d’appliquer la jurisprudence Costedoat au médecin salarié :
Cass. Civ. 1ère, 9 avril 2002, RTD Civ. 2002, p. 516 ; Cass. Civ. 1ère, 13 novembre 2002, D. 2003, Jur. p. 580 :
« Si un établissement de santé peut être déclaré civilement responsable des fautes commises par un praticien salarié à l’occasion d’actes médicaux d’investigation et de soins pratiqués sur un patient, ce principe ne fait pas obstacle au recours de l’établissement de santé et de son assureur, en raison de l’indépendance professionnelle intangible dont bénéficie le médecin, même salarié, dans l’exercice de son art. »
- Deuxième étape : le retour à l’orthodoxie de la décision costedoat pour les professions médicales salariées :
Cette solution n’est cependant pas retenue concernant une un médecin et une sage femme salariés qui agissent sans excéder les limites de leur mission : Celle-ci doit en effet profiter de la solution dégagée par la jurisprudence Costedoat.
Cf. Cass. Civ. 1ère, 9 novembre 2004, JCP 2004, Act. n° 608, D. 2004, IR p. 3039, JCP 2005, II n° 10020 :
« Le médecin salarié qui agit sans excéder les limites de la mission qui lui est impartie par l’établissement de santé privée, n’engage pas sa responsabilité à l’égard du patient ; A violé les articles 1382 et 1384 alinéa 5 du Code civil, la Cour d’appel qui, pour condamner le médecin de garde dans un établissement de santé à indemniser le préjudice subi par le patient, relève que celui-ci n’a pas correctement surveillé les suites de l’intervention chirurgicale, que sa qualité de salarié n’aliène nullement l’indépendance dont il dispose dans l’exercice de son art et que sa responsabilité doit être retenue sur le fondement de l’article 1382 et 1384 alinéa 5 du Code civil. (1er arrêt)
La sage femme salariée qui agit sans excéder les limites de la mission qui lui est impartie par l’établissement de santé privée, n’engage pas sa responsabilité à l’égard de la patiente ; Cassation pour violation des articles 1382 et 1384 alinéa 5, de l’arrêt qui pour condamner une sage femme in solidum avec la clinique qui l’employait et un gynécologue obstétricien au paiement d’indemnités aux parents d’un enfant souffrant d’une grave infirmité motrice cérébrale, relève que la sage femme dispose d’une indépendance professionnelle qui en fait plus qu’une simple préposée de sorte que sa responsabilité professionnelle peut être recherchée en raison de fautes personnelles commises et que le défaut de surveillance qui lui est imputable a retardé la découverte d’une souffrance fœtale à l’origine des lésions dont souffre l’enfant. » (2ème arrêt)
B. L’indemnisation et le droit de la responsabilité médicale :
1) Responsabilité du médecin et handicap de l’enfant :
Cass. Ass. Plén., 17 novembre 2000, D. 2001, Jur. p. 332, JCP 2000, II n° 10438 : « Dés lors que les fautes commises par un médecin et un laboratoire dans l’exécution de contrats formés avec une femme enceinte (non détection de la rubéole) ont empêché celle-ci d’exercer son choix d’interrompre sa grossesse afin d’éviter la naissance d’un enfant handicapé, ce dernier peut demander la réparation du préjudice résultant de ce handicap et causé par les fautes retenues. »
Cass. Ass. Plén., 13 juillet 2001, D. 2001, Jur. p. 2325, BICC 1er octobre 2001, JCP 2001, II n° 10601 ; Cass. Ass. Plén. 28 novembre 2001, BICC 1er février 2002, JCP 2002, II n° 10018, D. 2001, IR p. 3587 : « L’enfant né handicapé peut demander la réparation du préjudice résultant de son handicap si ce dernier est en relation de causalité directe avec les fautes commises par le médecin dans l’exécution du contrat formé avec sa mère et qui ont empêché celle-ci d’exercer son choix d’interrompre sa grossesse »
Art. 1er L. 4 mars 2002 :
Nul ne peut se prévaloir d’un préjudice du seul fait de sa naissance. (al. 1er)
La personne née avec un handicap dû à une faute médicale peut obtenir réparation de son préjudice lorsque l’acte fautif a provoqué directement le handicap ou l’a aggravé ou n’a pas permis de prendre les mesures susceptibles de l’atténuer. (al. 2ème)
Lorsque la responsabilité d’un professionnel ou d’un établissement est engagé vis-à-vis des parents d’un enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse à la suite d’une faute caractérisée, les parents peuvent demander une indemnité au titre de leur seul préjudice. Ce préjudice ne saurait inclure les charges particulières découlant tout au long de la vie de l’enfant, de ce handicap. La compensation de ce dernier relève de la solidarité nationale. (al. 3ème)
CAA Paris, 24 juin 2003, D. 2004, Jur. p. 983 : « Il résulte des dispositions de l’article 1er de la loi du 4 mars 2002, qu’elles s’appliquent à l’indemnisation des handicaps causés par des fautes médicales intervenues pendant la gestation de l’enfant qui en a été victime, mais qu’elles ne sont pas applicables aux fautes qui ont pour effet, comme c’est le cas en l’espèce, de ne pas permettre aux parents concernés d’éviter la conception d’un enfant handicapé…
Responsabilité des médecins pour indemnisation des troubles dans les conditions d’existence et des préjudices matériels relatifs aux charges particulières découlant tout au long de la vie de l’enfant et de son handicap. »
Fermeté d’application du texte
Cf. Le Monde, 14 février 2004
Cf. Civ. 1ère, 9 mars 2004
2) L’indemnisation des infections nosocomiales :
L’ONIAM interviendra dans deux hypothèses :
- art. 1142-1 1° CSP issu de la loi du 4 mars 2002 : Intervention subsidiaire, si la victime n’est pas en mesure de prouver une faute du médecin ou que l’établissement a réussi à prouver la présence d’une cause étrangère.
- art. 1142-1 2° CSP issu de la loi du 4 mars 2002 : Intervention en dehors des activités de prévention, de diagnostic ou de soins en cas de circonstance exceptionnelle par un professionnel ou un établissement
- art. 1142-1-1 CSP issu de la loi du 30 décembre 2002 : Intervention principale, en cas d’infection contractée dans un établissement de santé correspondant à un taux d’incapacité permanente supérieure à 25% ou en cas de décès.
- art. 1142-10 CSP : La loi met aussi en place un système d’assurance obligatoire (art. 1142-2 CSP) Cependant la loi prévoit aussi qu’en cas de dépassement des plafonds de garantie, l’ONIAM prend encore le relais
3) L’indemnisation de l’aléa thérapeutique :
Antérieurement à la loi du 4 mars 2002 :
- Jurisprudence administrative :
CAA Lyon, 26 décembre 1990, JCP G 1991, II, 21698, arrêt GOMEZ : « Considérant que l’utilisation d’une thérapeutique nouvelle, crée lorsque ses conséquences ne sont pas entièrement connues, un risque spécial pour les malades qui en sont l’objet ; que lorsque le recours à une telle thérapeutique ne s’impose pas pour des raisons vitales, les complications exceptionnelles et anormalement graves, qui en sont la conséquence directe, engagent même en l’absence de faute la responsabilité du service public hospitalier »
CE, 9 avril 1993, JCP G 1993, II, 22061, arrêt BIANCHI : « Lorsqu’un acte médical nécessaire au diagnostic ou au traitement du malade présente un risque dont l’existence est connue mais dont la réalisation est exceptionnelle et dont aucune raison ne permet de penser que le patient y soit particulièrement exposé, la responsabilité du service public hospitalier, est engagée si l’exécution de cet acte est la cause directe de dommage sans rapport avec l’état initial du patient comme avec l’évolution prévisible de cet état et présentant un caractère d’extrême gravité. »
CE, 27 oct. 2000, D.2001, Jur. p.1196, D.2002, Somm. p.449 : Le dommage peut être « sans rapport avec l’état initial du patient » lorsqu’il s’explique par une prédisposition de la victime qui ne pouvait être décelée par les investigations préparatoires normales.
- Jurisprudence judiciaire :
Cass. Civ 1re, 8 nov. 2000, JCP G 2001, II, 10493, JCP 2001, II n° 10493, Defrénois 2001, : « La réparation des conséquences de l'aléa thérapeutique n'entre pas dans le champ des obligations dont un médecin est contractuellement tenu à l'égard de son patient. » A la différence du Conseil d'Etat, qui admet la réparation des effets préjudiciables de l'aléa thérapeutique dans des conditions, il est vrai, très étroites, la Cour de cassation exclut en revanche celle-ci.
Cela étant, l'arrêt du 8 novembre 2000 a pris soin de cerner, aussi précisément que possible, la notion d'aléa thérapeutique : il s'agit de la « survenance, en dehors de toute faute du praticien, d'un risque accidentel inhérent à l'acte médical et qui ne pouvait être maîtrisé ». Cette définition fait apparaître que l'on est, pratiquement, dans une situation de force majeure, en ce sens que, même prévisible, la réalisation du dommage est irrésistible ; elle est exceptionnelle et ne peut être maîtrisée
La loi du 4 mars 2002 est venue consacrer un droit à l’indemnisation de l’aléa thérapeutique
L’article 1142-1 CSP II) En cas d’accident médical, affection iatrogène ou d’infection nosocomiale et en l’absence d’une responsabilité engagée, un droit à réparation existe au titre de la solidarité nationale, si :
- Les dommages sont imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins
- S’ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé et de son évolution prévisible
- S’ils présentent un caractère de gravité fixé par décret.
Concernant la gravité, le décret du 4 avril 2003 a fixé à 24% ce seuil au-delà duquel le dommage sera intégralement réparé. Cependant ce décret a aussi reconnut le caractère grave de certains accidents médicaux, affection iatrogène s’ils dépassent une durée d’ITT de 6 mois consécutifs ou non consécutifs sur une période de 12 mois. Et à titre exceptionnel lorsque la victime est déclarée inapte à exercer son activité professionnelle. Le décret présente aussi un barème.
La procédure se fait comme pour les infections nosocomiales tombant dans l’aléa thérapeutique ou bien celle qui ont des conséquences les plus graves devant l’ONIAM. Existence de commissions régionales de conciliation qui émet un avis dans un délai. Si l’avis établit une faute, recours à l’assurance avec une procédure d’offre amiable, sinon indemnisation devant l’ONIAM.
C. Le droit à l’information en matière médicale :
1) Nature et étendue de l’obligation d’information
Antérieurement à la loi du 4 mars 2002 :
Req. 28 janvier 1942, Arrêt TESSIER, D. 1942, p. 63 : Condamnation d’un médecin pour ne pas avoir averti son patient de la nature exacte de l’opération, ni du choix fait entre deux méthodes curatives.
Cass. Civ. 1ère, 7 octobre 1998, D. 1999, Jur. p. 145, JCP 1998, II n° 10179 : Hormis les cas d’urgence… un médecin est tenu de donner une information loyale, claire et appropriée sur les risques graves afférents aux investigations et soins proposés et il n’est pas dispensé de cette obligation par le seul fait que ces risques ne se réalisent qu’exceptionnellement.
Cass. Civ. 1ère, 18 juillet 2000, D. 2000, IR p. 217 : Le médecin n’est pas dispensé de cette information sur la gravité du risque par le seul fait que l’intervention serait médicalement nécessaire.
Cass. Civ. 1ère, 23 mai 2000, JCP 2000, II n° 10342 : L’article 42 du Code de déontologie médicale autorise le médecin à limiter cette information en cas de diagnostic ou de pronostic grave ; cette limitation doit être fondée sur des raisons légitimes et dans l’intérêt du patient, apprécié en fonction de la nature de la pathologie, de son évolution prévisible et de la personnalité du malade.
Cas particulier de la chirurgie esthétique : Cass. Civ. 1ère, 17 février 1998, RTD Civ. 1998, p. 681 : en la matière le praticien était tenu « non seulement sur les risques graves de l’intervention mais aussi sur tous les inconvénients pouvant en résulter. »
La loi du 4 mars 2002, a inséré un article 1111-2 CSP qui entérine la jurisprudence antérieure et assure une large obligation du médecin quant à l’information dont il est tenu.
En effet, elle porte « sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu’ils comportent ainsi que les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. »
D’autre part, l’obligation ne s’arrête pas là puisque « lorsque postérieurement à l’exécution… des risques nouveaux sont identifiés, la personne concernée doit en être informée, sauf en cas d’impossibilité de la retrouver. »
Cette information « incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles… Seules l’urgence ou l’impossibilité d’informer le patient peuvent l’en dispenser. » De même « la volonté d’une personne d’être tenue dans l’ignorance d’un diagnostic ou d’un pronostic doit être respectée sauf risque pour les tiers… »
Concernant la chirurgie esthétique, l’article L. 6322-2 CSP entérine lui aussi la jurisprudence de 1998 (Cass. Civ. 1ère, 17 février 1998, JCP 1998, I n° 144, esp. n° 20 ; RTD Civ. 1998, p. 681) : Le praticien est tenu d’informer de tous les « risques et dangers intrinsèques mais aussi sur les répercussions physiques, esthétiques et psychologiques. »
Jurisprudence postérieure prise en application de la loi du 4 mars 2002
Il semble qu’il y ait recul de l’obligation d’information, ou du moins frilosité de la Cour de casstion.
Cass. Civ. 1ère, 18 décembre 2002, D. 2003, IR p. 253 : Le médecin n’est tenu d’informer son patient que pour les risques liés à l’intervention qu’il préconise, il ne peut lui être imputé à faute un défaut d’information quant à un risque totalement imprévisible.
Cass. Civ. 1ère, 13 novembre 2002, RTD Civ. 2003, p. 98 : De plus, le défaut à l’obligation d’information ne peut entraîner réparation que pour autant qu’il cause un préjudice.
Ainsi, pour la Cour de cassation, lorsqu’il n’est pas démontré, qu’informé du risque exceptionnel tenant à l’acte chirurgical dont la nécessité était admise, le patient aurait refusé l’intervention, la violation d’une obligation d’information incombant au praticien ne peut être sanctionnée, car il n’en résulte pas un préjudice. (Cette existence étant par ailleurs souverainement appréciée et constatée par les juges du fond.)
2) Le problème de la charge de la preuve :
Antérieurement à la loi du 4 mars 2002 :
L’arrêt HEDREUL (Cass. Civ. 1ère, 25 février 1997, GAJC 11ème éd., n° 13, Defrénois 1997 n° 36591-82, p. 751 obs. Aubert ) affirmait que : « Celui qui est légalement ou contractuellement tenu d'une obligation particulière d'information doit rapporter la preuve de l'exécution de cette obligation. Le médecin est tenu d'une obligation particulière d'information vis-à-vis de son patient et il lui incombe de prouver qu'il a exécuté cette obligation. »
Selon Aubert : « Diverses particularités rédactionnelles de l'arrêt inclinent à penser que la solution « médicale » n'est rien d'autre que l'application particulière d'un principe plus général : outre, d'abord, le visa de l'article 1315, qui affirme la référence à un principe général du droit de la preuve, et ensuite l'indication d'une prise en compte indistincte des obligations d'information légales ou contractuelles, force est de constater que l'arrêt comporte un chapeau qui ne fait aucune référence à la fonction médicale : c'est « celui qui est légalement ou contractuellement tenu d'une obligation particulière d'information » qui « doit rapporter la preuve de l'exécution de cette obligation ».
La loi du 4 mars 2002 intégra un article 1111-2 alinéa 7 qui dispose désormais tout aussi explicitement qu’ « en cas de litige, il appartient au professionnel ou à l’établissement de santé d’apporter la preuve que l’information a été délivrée à l’intéressé dans les conditions prévues au présent article. »
Outre une considération d’opportunité comme l’affirmait Aubert, la solution est désormais justifiée par le recours au droit commun des obligations et à la spécificité du texte du CSP.
La jurisprudence récente est cependant venue préciser que la preuve de cette obligation d’information se fait par tous moyens même par présomptions. (Cass. Civ. 1ère, 4 janvier 2005, D. 2005, IR, p. 170, confirmation de Cass. Civ. 1ère, 14 octobre 1997, D. 1997, IR p. 236)
3) Concernant enfin le préjudice :
Cass. Civ. 1ère, 20 juin 2000, Defrénois 2000, n° 37237-67, p. 1121 : « Le praticien qui manque à son obligation d'information portant sur les risques graves inhérents à un acte médical prive le patient de la possibilité de donner un consentement éclairé à cet acte. Il est de l'office du juge de rechercher, en prenant en considération l'état de santé du patient ainsi que son évolution prévisible, sa personnalité, les raisons pour lesquelles des investigations ou des soins à risques lui sont proposés, ainsi que les caractéristiques de ces investigations, de ces soins et de ces risques, les effets qu'aurait pu avoir une telle information quant à son consentement ou à son refus. Par une appréciation souveraine de ses constatations, la cour d'appel a estimé qu'informé du risque grave inhérent à l'acte médical, le patient n'aurait refusé ni l'investigation, ni les soins, de sorte qu'il ne justifiait d'aucun préjudice indemnisable »
Remarques D. MAZEAUD : Apparemment donc, la Cour de cassation admet désormais l'exception thérapeutique au rang des hypothèses dans lesquelles le médecin n'est pas tenu d'une obligation d'information sur les risques graves inhérents à l'acte médical. Dans le respect de la dignité de la personne humaine, le droit de savoir du patient peut céder lorsque son propre intérêt suppose le silence du médecin. Ainsi, de même que la protection du malade autorise le médecin à lui dissimuler un diagnostic ou un pronostic grave, l'intérêt du patient justifie le silence du praticien sur les risques graves inhérents au traitement qu'il lui propose. Il en va ainsi lorsque l'information sur de tels risques graves créerait, pour le patient, en raison de son état de santé actuel ou futur, de sa personnalité, des raisons pour lesquelles un acte médical à haut risque est envisagé ou des caractéristiques de cet acte, un important risque d'échec de l'acte médical. A fortiori, lorsque l'exécution de l'obligation d'information aurait conduit le patient à exprimer son consentement à l'acte médical qui lui était proposé, en dépit du risque grave inhérent audit acte, il ne peut, faute de préjudice, engager la responsabilité du médecin silencieux.
D. Le consentement du patient :
a) Le recueil du consentement :
L’article 1111-4 al. 1er CSP dispose que « toute personne prend avec le professionnel de santé et compte tenu des informations et des préconisations qu’il lui fournit, les décisions concernant sa santé »
L’alinéa 2 dispose que « lorsque la personne est hors d’état d’exprimer sa volonté, aucune intervention ou investigation ne peut être réalisée, sauf urgence ou impossibilité, sans que la personne de confiance prévue à l’article 1111-6, ou la famille, ou à défaut, un de ses proches ait été consulté. »
b) Le refus de soin du patient :
Le droit d’accéder aux soins ne peut être mis en œuvre que si la personne a manifesté sa volonté d’en bénéficier.
En effet, le refus de soins est accepté de manière apparemment non équivoque par la loi du 4 mars 2002. L’article L. 1111-4 al.2 du code de la santé publique dispose en effet in limine que « Le médecin doit respecter la volonté de la personne après l’avoir informée des conséquences de ses choix ». Il existe donc une liberté de refuser les soins. Certes, cette liberté est encadrée par la seconde partie de l’art. 1111-4 al. 2 qui, comme l’art 36 al. 2 du code de déontologie médicale précise que « si la volonté de la personne de refuser ou d’interrompre un traitement met sa vie en danger, le médecin doit tout mettre en œuvre pour la convaincre d’accepter les soins indispensables », mais la décision finale semble appartenir au patient.
Dès lors, la toute puissance de la volonté du patient est remarquable. Positivement, elle donne un droit à se faire soigner, négativement, au nom du principe de consentement aux soins, elle permet à un patient de refuser un traitement. Or, ce refus semble permettre implicitement l’euthanasie passive. A cet égard la loi française peut être rapprochée du droit anglais, tel qu’il résulte d’un arrêt de la High Court of Justice, Family Division, du 22 mars 2002 (Defrénois 2002, art. 37598 ) et peut être mise en parallèle avec le Code civil du Québec de 1994, dont l’article 11 consacre également le consentement aux soins.
Cependant, le cas des mineurs est largement dérogatoire au schéma suscité, du fait de la faible prise en compte de la volonté du mineur. On constate de plus l’existence d’une jurisprudence administrative qui, sur la question du refus de soins semble aller à l’encontre de la lettre de la loi du 4 mars 2002. Dès avant la dite loi, (CE 26 octobre 2001, JCP 2002, II, 10025, note Moreau, PA, 15 janvier 2002, note Clément, AJDA 2002, p. 259, note Derguergue.) avait décidé qu’un médecin ne commettait pas de faute si, en conscience il décidait de passer outre la volonté du malade pour lui appliquer un traitement proportionné à son état, susceptible de lui sauver la vie. Le Conseil d’Etat se fondant implicitement sur le principe que dans ces cas extrêmes, la conscience du médecin est le seul arbitre de la décision à prendre.
La Haute juridiction administrative reprend ce raisonnement, dans une ordonnance, postérieure à la loi du 4 mars 2002, (CE, 26 août 2002, JCP éd G 2002, II 10184, note Mistretta ). Elle y explique dans sa motivation que l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’homme, garantissant la liberté de religion, n’est pas bafoué lorsqu’un acte, indispensable à la survie du patient, et proportionné à son état, est réalisé, et cela même s’il va à l’encontre des convictions exprimées par le patient.
De plus, il est permis d’affirmer que cette décision prive la loi Kouchner de sa pleine mesure. En effet, sont cités les articles 36 du Code de déontologie médicale et surtout le nouvel article 1111-4 du Code de la santé publique. Il est précisé pour ces deux articles qu’ils mettent certes en exergue le rôle de la volonté du patient dans le refus de soins, mais qu’ils sont muets sur les cas où la vie est menacée. Or, cette situation serait tellement grave que le législateur n’aurait pu vouloir l’intégrer dans ces textes généraux et aurait commis un texte particulier à cet effet. Au surplus, l’article 2 du Code de déontologie médicale énonce comme un devoir général du médecin le fait d’exercer sa mission dans le respect du droit à la vie humaine, or respecter la volonté du patient dans ces cas reviendrait à agir au mépris de cette vie.
Pour contre balancer ces arguments textuels, certains en font valoir un autre, là où la loi ne distingue pas, il n’y a pas lieu de distinguer, et les cas où le pronostic vital est en jeu doivent être entendu comme contenus dans les prescriptions de l’article 1111-4 et de l’article 36 du Code de déontologie. C’est d’ailleurs en ce sens que s’est prononcé le juge des référé du Tribunal administratif de Lille TA Lille, 23 août 2002 n° 02-3138, AJDA, 16 septembre 2002, p.723. V. aussi, Libération, 5 septembre 2002.) en précisant que refuser de tenir compte de l’opposition de la patiente était une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté individuelle, sans y apporter de restriction en cas de risque de décès. Selon cette analyse, les décisions du Conseil d’Etat n’auraient donc qu’une portée réduite, du fait de leur caractère contra legem.
S’y ajoute également la constatation que ce n’est pas parce qu’il n’y a pas condamnation de l’acte allant à l’encontre de la volonté du patient en le sauvant, qu’il y aurait condamnation, administrative ou pénale, en cas de suivi de cette volonté et donc de mort subséquente. Donc, ce qui semble être une reconnaissance implicite de l’euthanasie passive par l’ordre de la loi constitué par l’article 1111-4, ne semble pas être remis en cause par les décisions administratives.
CE 26 octobre 2001, RTD Civ. 2002, p. 484 :
Une femme témoin de jéhovah refusait toute transfusion sanguine. Le médecin était passé outre.
L’arrêt reprend les circonstances de fait in concreto (Situation extrême, acte indispensable à la survie, absence de tout autre moyen…) et refuse la responsabilité de l’hôpital.
Cependant la loi du 4 mars 2002 limite la faculté d’action du médecin en l’absence de tout consentement du patient au cas où le malade est hors d’état de manifester sa volonté après consultation des proches.
CE Ord. Réf. 16 août 2002, D. 2002, IR p. 2581, RTD Civ. 2002, p. 781 :
Sur le visa des articles 16-3 du Code civil et L. 1111-4 CSP.
« Considérant que le droit pour le patient majeur de donner, lorsqu'il se trouve en état de l'exprimer, son consentement à un traitement médical revêt le caractère d'une liberté fondamentale ; que toutefois les médecins ne portent pas à cette liberté fondamentale, telle qu'elle est protégée par les dispositions de l'article 16-3 du code civil et par celles de l'article L. 1111-4 du code de la santé publique, une atteinte grave et manifestement illégale lorsqu'après avoir tout mis en œuvre pour convaincre un patient d'accepter les soins indispensables, ils accomplissent, dans le but de tenter de le sauver, un acte indispensable à sa survie et proportionné à son état ; que le recours, dans de telles conditions, à un acte de cette nature n'est pas non plus manifestement incompatible avec les exigences qui découlent de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et notamment de son article 9 »
Le médecin doit donc respecter le refus du patient jusqu’au cas où la survie de celui-ci est en jeu…